Par le sang versé
allez, en route ! »
À mi-chemin, ils aperçoivent l’éclaireur envoyé par Klauss à leur rencontre. Le légionnaire reste, un instant, interdit devant le spectacle que forme le cortège. Il s’exclame :
« Ben, nom de Dieu, ça alors !
– Alors ? interrompt Mattei, le village ? »
L’homme semble émerger de sa stupéfaction.
« Pardon, mon capitaine, le sergent vous fait dire qu’il a rassemblé toute la population, ils vous attendent. »
Mattei se retourne vers ses porteurs de têtes.
« Vous avez entendu ? Tout le village est rassemblé et nous attend. Dès que nous arriverons, vous balancerez les têtes à leurs pieds.
– On pourrait peut-être leur en balancer une ou deux en travers de la gueule, mon capitaine, suggère Clary.
– Clary, pour la dernière fois, je t’ordonne d’exécuter mes ordres et d’éviter toute improvisation.
– Ah ! Bon, moi c’que j’en disais, c’était manière à vous rendre service. »
Mattei hausse les épaules, exaspéré, et fait signe à la colonne de reprendre son chemin.
Dès qu’ils arrivent au village, la cérémonie se déroule comme prévu. Siing se tient debout devant tous les membres de sa tribu. Il n’a pas le moindre mouvement lorsqu’une tête atterrit sur ses pieds. Derrière lui, les femmes détournent leurs regards. Mais tout se passe dans un silence, absolu, qui n’est rompu brusquement que par la voix fracassante du capitaine.
« Je vous ramène les hommes que vous avez aidés à combattre contre nous. C’est le sort qui les attend tous. Siing, j’ai décidé de vous laisser la vie, à toi et aux tiens. Mais ne prends pas ma clémence pour de la faiblesse. Je vais faire brûler ton village. Tu vas être contraint d’éparpiller ta tribu. Qu’ils aillent chercher refuge dans les hameaux voisins, qu’ils préviennent que les prochains d’entre eux qui apporteront leur aide aux rebelles seront exécutés sur place par mes hommes et périront en même temps que leur village ! Puisque c’est le seul langage que vous compreniez, je vous prouverai que moi aussi, je sais le parler. Je vous donne un quart d’heure pour rassembler vos affaires. Après je fais tout brûler. »
Le jour commence à baisser lorsque les légionnaires atteignent Ban-Cao. Dès qu’on lui a signalé l’approche du groupe Mattei, Osling est descendu à la rencontre du capitaine. Prévenant la question de l’officier, il déclare :
« Il est toujours en vie, mais il a été impossible d’obtenir un avion pour l’évacuer. Je vous attendais avec impatience, espérant que votre autorité pourrait emporter la décision, mais je crains qu’il ne soit trop tard : dans moins d’une heure il fera nuit. »
Suivis par la colonne, les deux hommes sont parvenus dans la cour du poste. Mattei fait appeler Favrier. Dès que le sergent se présente, l’officier ordonne :
« Tu vas mettre tout le monde au travail, vous allez me confectionner des torches avec des chiffons, de l’huile, de l’essence, n’importe quoi, je m’en fous. Je veux que la compagnie au complet se tienne prête à aller baliser la piste d’atterrissage. Deux torches dans les mains de chaque homme, je veux qu’on y voie comme en plein jour.
– Compris, mon capitaine.
– Ickewitz est conscient ? poursuit Mattei à l’adresse d’Osling.
– Hélas ! Oui, mon capitaine, je lui ai fait de la morphine, il ne cesse de vous réclamer.
– Ne lui annoncez pas mon retour, je vais d’abord à la radio. »
Le capitaine Mattei s’apprête à passer la nuit la plus longue de sa vie. Par radio il ne peut entrer en contact qu’avec des subalternes irresponsables. Il appelle successivement Lang-Son, Hanoï, Haïphong, n’obtenant que des réponses confuses émanant de services nonchalants qui ne comprennent rien à sa requête. Enfin, vers dix heures du soir, il obtient l’aéroport d’Hoan-Long (Hanoï). Il parvient à entrer en contact avec son ami le lieutenant Lecocq, auquel il explique la situation.
« D’accord, conclut Lecocq, on peut tenter d’atterrir avec un Morane si vous balisez la piste. Mais nous ne disposons ici que d’un seul Morane, c’est-celui du colonel V… Du reste, son plan de vol est prévu pour la matinée de demain. Il doit se rendre chez-vous avez des officiels, vous êtes au courant ?
– Je l’avais oublié, mais en effet, c’est exact. Écoutez, Lecocq, cherchez le colonel, trouvez-le où qu’il
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