Par le sang versé
précipite aux côtés du capitaine.
« Demande-lui d’où il venait ! Où ils ont passé les dernières nuits ? Qui les a ravitaillés ? »
Kas se lance, de sa petite voix aiguë, dans un monologue incompréhensible en dialecte tonkinois. Le viet répond d’une brève syllabe.
« Il refuse de parler, mon capitaine.
– Votre revolver, Klauss », ordonne Mattei.
Le sergent-chef sort de son étui son colt 45 et le tend à l’officier. Mattei s’accroupit auprès du blessé, et arme le colt en mettant une balle dans le canon, pratiquement contre l’oreille du viet. Puis il applique le canon du pistolet sur la tempe de l’homme.
« Dis-lui que je lui vide le chargeur en entier dans la tête s’il ne répond pas immédiatement. »
Kas traduit. Le viet pousse un cri déchirant et se laisse tomber en avant, à genoux. Il balbutie une série de sons incohérents.
« Ne tirez pas, mon capitaine, il va parler. »
Mattei se relève et rend à Klauss son pistolet. D’un geste machinal, sans même regarder ses mains, le sergent éjecte la balle du canon et la replace dans le chargeur. Puis il rengaine le colt. Toujours à genoux, haletant, affolé, le petit viet parle. Les mots se succèdent à une cadence étourdissante. Il ne s’interrompt que pour chercher son souffle. Au bout d’un moment, Kas l’arrête et, le poussant du pied, le rejette en arrière.
« Ça fait trois jours qu’ils se cachent au hameau du chef Siing, mon capitaine. C’est par là, à moins d’un kilomètre. Ils y ont entreposé des armes et du ravitaillement dans des caches qu’il m’a désignées. Ce sont les hommes de Siing qui leur ont appris que nous empruntions ce chemin au moins une fois par semaine. Et que souvent vous nous accompagniez. Le but de leur opération, c’était vous. S’ils ne vous avaient pas reconnu à vos galons, ils auraient laissé passer la patrouille sans se manifester.
– C’est la célébrité, mon capitaine, tranche Klauss. La rançon de la gloire. Sans Ickewitz, ils réussissaient. Et pourtant, ils savaient qu’ils couraient le risque de tous se faire massacrer ensuite. Votre tête commence à valoir cher. »
Mattei est livide de fureur contenue. Ce n’est pas de savoir qu’il est devenu chez l’ennemi l’homme à abattre, c’est de se remémorer le geste d’Ickewitz et la chute du géant s’écroulant après lui avoir sauvé la vie.
« Attachez cette lope à un arbre, on le récupérera au passage. Klauss, partez en avant avec la moitié de l’effectif. Allez au hameau de Siing, je vous suis dans un quart d’heure. Quand j’arriverai, je veux que la totalité des habitants, à l’exception des enfants, soit rassemblée au centre du village. »
Songeur, Mattei contemple la section qui s’éloigne. Autour de lui, il reste Clary, Fernandez, six légionnaires valides et les deux morts. Le capitaine les désigne :
Pendant que les hommes exécutent ses ordres, Mattei conserve un mutisme absolu. Il se tient à-l’écart et fume en silence. Juste après avoir jeté et écrasé du pied son mégot, il appelle Clary :
« Mon capitaine ?
– Il y a combien de cadavres viets ?
– Douze , mon capitaine.
– Coupez-leur la tête ! Proprement. Évitez de faire de la boucherie.
– Compris, mon capitaine », répond Clary. Sans s’émouvoir, il crie aux hommes : « On décapite les macchabées. Chacun un, moi j’en prends quatre. Ordre du capitaine ! Et proprement ! Sans vous salir. »
Les légionnaires ne s’émeuvent pas davantage que Clary. Ils accomplissent leur macabre besogne sans la moindre incommodité ; à l’écart, Mattei se désintéresse de l’opération. Lorsque la mutilation est achevée, le capitaine déclare simplement :
« Prenez les têtes par les cheveux, on les transporte au village. »
Dans un sourire béat, un légionnaire déclare :
« Je ne peux pas, mon capitaine, le mien il est chauve !
– T’as qu’à lui passer deux doigts dans les trous de nez, rétorque Clary, provoquant simultanément l’hilarité de ses compagnons et la fureur de son chef.
– Vous trouvez vraiment ça drôle, bande de sauvages ! tonne Mattei.
– Tout de même, mon capitaine, objecte Clary, c’est vous…
– Bien sûr, c’est moi, crétin, ça ne veut pas dire que ça m’amuse. Et ce n’est pas non plus pour me venger. Oh ! Et puis, merde ! À quoi bon chercher à t’expliquer… Tu ne comprendrais pas ;
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