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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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les lèvres, il laisse entendre :
    « Mon lieutenant, il faut me casser la gueule et me mettre en prison. »
    Mattei ne répond pas, il pénètre dans son bureau, laissant le Hongrois immobile à la porte.
    Fernandez feint la surprise. Plongé dans un travail de paperasserie il donne l’impression de n’avoir pas entendu l’arrivée de la jeep de l’officier sous ses fenêtres.
    Il se lève comme un ressort et déclare : « Quelle surprise, mon lieutenant. On ne vous attendait que dans la soirée !
    –  Menteur, réplique Mattei. Non mais, tu me prends pour un con ? Je vais te dire ce que tu faisais, tu surveillais le col depuis des heures à la jumelle pour signaler l’arrivée de ma jeep et prévenir ton acolyte de préparer ta mise en scène. Alors, arrête ta comédie et explique-moi plutôt dans quel merdier il s’est encore fourré ! »
    Fernandez adopte l’attitude de l’homme torturé par un cas de conscience. Mattei bondit, le saisit par sa chemise et furieux :
    « Je te donne dix secondes…
    –  Ça va, mon lieutenant, il a secoué le pognon de la caisse noire… »
    Ahuri, Mattei lâche le légionnaire.
    « Il y avait près de 10 000 piastres !
    –  9 300, rectifie Fernandez.
    –  Qu’est-ce qu’il en a foutu ?
    –  Le Backouan chez Vang, il a tout paumé.
    –  Tu veux dire qu’il s’est fait plumer comme un pigeon ? Nom de Dieu ! L’argent de la compagnie dans la poche de ce maquereau ! Je crois vraiment que je vais faire fusiller ce grand con. »
    Timidement, Fernandez tente d’excuser son compagnon.
    « Vous savez, Ickewitz, il pense pas beaucoup. Hier soir il avait gagné avec son argent, il a cru qu’en empruntant la caisse, il pouvait faire sauter la banque du Chinois.
    –  Ah ! C’est nouveau ! Et tu pouvais pas lui dire qu’ils trichent, ce margoulin et ses complices ?
    –  J’ai été au courant qu’après, mon lieutenant, vous pensez bien… »
    C’était certainement vrai. Fernandez aurait empêché le vol s’il s’était douté des projets de son compagnon.
    Mattei quitte la pièce comme une fusée. À son passage Ickewitz lance à nouveau :
    « Mon lieutenant, il faut me casser la gueule et me mettre en prison. »
    Mattei s’arrête :
    « Certainement pas, Ickewitz ! Les types comme toi on les ignore, on les punit même pas. C’est moi le coupable, je n’aurais pas dû laisser de l’argent à portée d’un voleur. Allez, fous-moi le camp ! »
    Le géant reste immobile, les lèvres frémissantes, il cherche des mots qu’il ne trouve pas, alors il répète obstiné :
    « Mon lieutenant, il faut me casser la gueule et me mettre en prison. »
    Mattei tourne les talons et s’éloigne dans la cour du quartier. Ickewitz le suit à dix mètres. Mattei se retourne plusieurs fois ; chaque fois le géant se fige au garde-à-vous. Enfin, le lieutenant s’arrête et hurle :
    « Ickewitz ! Fous-moi le camp ! C’est un ordre, je ne veux plus te voir, c’est compris ? »
    Désespéré, le géant obtempère et s’en va d’un pas lourd retrouver Fernandez dans le bureau.
    « Il m’a traité de voleur, déclare-t-il en entrant.
    –  Ça me paraît assez logique ! constata Fernandez.
    –  Il m’a même pas cassé la gueule, il dit qu’il veut pas me punir.
    –  Ça, c’est plus vache », admet Fernandez.
    Ickewitz baisse la tête, puis comme si cet aveu le déchirait, il marmonne :
    « C’est clair, il ne m’aime plus ! »
    Fernandez a du mal à ne pas sourire.
    « Allons, dit-il, tu parles comme une gonzesse plaquée, tu verras bien que ça s’arrangera.
    –  S’il refuse de me punir, ça ne s’arrangera jamais. »
    À la Légion, une faute entraîne une sanction, généralement immédiate et violente, mais on ignore la tracasserie. Une faute sanctionnée est effacée, on n’en parle plus et tout rentre dans l’ordre. L’attitude du lieutenant, ce jour-là, laissait entendre qu’il ne pardonnerait pas, et Ickewitz se sentait totalement désorienté.
    Une autre règle de la Légion est que tout officier doit connaître les connaissances de chaque homme, dans quelque domaine que ce soit. Une compagnie atteint la perfection par l’éventail étendu de ses compétences ! c’était le cas de la 4 e .
    Ce jour-là, ce n’était ni un charpentier ni un marin ni un plombier que cherchait Mattei, mais deux complices du poker, anciens truands dans leurs pays respectifs : la Grèce et

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