Paris, 1199
penserai souvent à lui.
— Un homme ne peut faire que de son mieux, et
c’est ce qu’il a fait, conclut Bartolomeo en se signant.
Le silence s’installa un moment jusqu’à ce que
Robert de Locksley le rompît.
— Répète ce que tu viens de dire, Bartolomeo.
— Un homme ne peut faire que de son mieux…
— Pourquoi as-tu dis ça ? l’interrompit
Locksley.
— J’avais cette phrase dans la tête, répondit
Bartolomeo en haussant les épaules d’évidence.
— Pourquoi ? Où l’as-tu entendue ?
— Lorsque nous avons joué au manoir du
Temple.
— Répète ça ! s’exclama Robert de
Locksley en se levant, empreint d’une subite agitation.
— Au manoir du Temple. Quand je fouillais les
chambres, j’ai rencontré un homme avec qui j’ai parlé, au deuxième étage.
— Il a dit ces paroles ? Sais-tu son
nom ? Qui était-il ?
— Oui, il a dit exactement ces mots. Cela m’a
frappé, car j’ai trouvé que c’était très vrai. On ne peut faire que de son
mieux, pas au-delà. C’était un Normand, il m’a dit que son père avait combattu
à Hastings. Il n’avait pas eu le droit de venir au banquet et il s’ennuyait.
C’est un garde-chasse appartenant à Malvoisin.
— Son nom ! rugit Robert de Locksley.
— Hubert… répondit Bartolomeo, effrayé par
l’état du Saxon.
— Le meilleur archer d’Angleterre !
lâcha Locksley.
— Quoi ? fit Guilhem.
— C’est lui qu’ils ont fait venir !
C’est lui qui doit tuer le roi ! Ce sont bien les Templiers qui ont tout
préparé !
— Tu connais cet Hubert ? demanda
Guilhem, incrédule.
— Oh oui, j’ai été opposé à lui dans un
tournoi. Il est presque aussi fort que moi. Il faut l’empêcher d’agir, le
retrouver !
— Je… Je l’ai revu, balbutia Bartolomeo,
surpris par la tournure de la conversation.
— Revu ?
— Après la représentation que nous avons
faite, souvenez-vous, seigneur comte : j’étais avec vous, dimanche… Nous
avons vu deux Templiers et un serviteur avec un surcot vert. Ce serviteur,
c’était lui !
— Je m’en souviens. Tu m’as dit qu’ils
étaient allés à Notre-Dame…
— À Notre-Dame où le roi se rend pour
l’Ascension, compléta Guilhem qui avait pâli.
— Je retourne prévenir Anna Maria, décida
Locksley. Retrouvons-nous ici demain matin. J’ai besoin de réfléchir.
Il redescendit dans les sous-sols.
— Rentrons à l’auberge, Bartolomeo, dit
Guilhem à son tour, moi aussi j’ai besoin des penser à tout cela. En chemin,
raconte-moi exactement où ils sont allés.
À peu près au même moment, le prévôt de Paris
descendait dans la cave du Lièvre Cornu.
Philippe Hamelin avait passé la journée avec son
frère. Il voulait capturer Robin au Capuchon et son frère voulait saisir les
cathares pour les interroger avant l’official. Ils savaient désormais où Robin
se cachait, mais ils savaient aussi que c’était un homme redoutable. De plus,
il serait peut-être aidé par ses amis, aussi décidèrent-ils d’entrer dans le
souterrain durant la nuit, espérant le prendre dans son sommeil.
Cependant, ignorant ce qu’ils allaient découvrir
dans les sous-sols du Monceau-Saint-Gervais, Philippe Hamelin ne voulait
prendre aucun risque. Il avait donc rassemblé tous les gens dont il disposait
pour le guet. Ce n’étaient pas des soldats, juste des hommes frustes, mais
vigoureux et obéissants. Quand ils assuraient le guet, ils n’étaient munis que
de lourds bâtons ferrés et pointus, des sortes d’épieux redoutables qu’ils utilisaient
soit en donnant des coups de taille, pour assommer, briser un membre ou un dos,
soit en coup de pointe, pour tuer comme on le fait avec les loups et les
sangliers. Le prévôt les avait prévenus. Il voulait prendre ceux qu’ils
découvriraient vivants. Donc ils pourraient assommer, mais rien de plus.
C’est en fin de matinée que Philippe Hamelin avait
aussi appris que des larrons avaient tué une vieille femme et un jeune homme,
rue des Rosiers. C’était si banal qu’il n’y avait prêté aucune attention, mais
un peu plus tard un de ses clercs lui avait annoncé que le jeune homme avait
été reconnu : c’était Amaury, le fils du tisserand que le mystérieux
archer, Robin au Capuchon, avait fait évader.
Qu’est-ce que cela signifiait ? Qui étaient
ceux qui avaient tué Amaury ? Les cathares ? C’était
impossible ! Ils refusaient de donner la mort. Peut-être
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