Paris, 1199
n’était-ce qu’un
règlement de comptes entre truands.
Amaury était un petit voleur et il pouvait avoir
trahi ses complices, s’était-il dit.
Par prudence, il avait quand même demandé à son
frère des archers de Saint-Éloy et était allé au Louvre rencontrer Cadoc. Il
lui avait fait part de ce qu’il savait et lui avait demandé de l’aide. Cadoc
lui avait prêté une trentaine d’arbalétriers.
Philippe Hamelin était arrivé au Lièvre Cornu une
heure après la tombée de la nuit. Il était avec son frère, deux gardes portant
lanterne et deux arbalétriers. Il s’était fait ouvrir par la servante,
terrorisée quand le policier s’était fait connaître.
Une fois dans le cabaret, le prévôt l’avait
fouillé, mais l’endroit était vide. Il avait enfermé la servante dans un
cagibi, puis l’un des porteurs de lanterne était allé faire des signaux afin de
prévenir ceux qui attendaient au bout de la rue, soit une dizaine de gens du
guet avec des arbalétriers de Lambert de Cadoc, ainsi que quatre gardes de la
prévôté de Saint-Éloy.
Un peu plus tôt, d’autres arbalétriers avaient
encerclé l’entrepôt de la guilde des tisserands, près de la place de Grève.
D’autres encore avaient pris position devant la tour du Pet au Diable. Ceux-là
n’avaient pas remarqué le morceau de herse brisée, pas plus que la porte du
donjon, mais elle était dans l’obscurité et Le Mulet avait pris la
précaution de la refermer.
Dans la cave du Lièvre Cornu, une dalle était
soulevée, découvrant un vieil escalier étroit. Les deux frères Hamelin s’y
engagèrent seuls, laissant leurs hommes dans la cave après leur avoir ordonné
d’être silencieux.
En arrivant en bas des marches, le prévôt de Paris
aperçut une lumière. Il éteignit immédiatement la chandelle de sa lanterne,
prévenant son frère de ne faire aucun bruit, tandis qu’il reculait pour se
dissimuler dans un recoin. Ils virent passer à quelques pas d’eux un homme en
haubert avec une épée à son baudrier. Était-ce Robin au Capuchon ?
Ils attendirent un moment. Le silence étant
revenu, Philippe Hamelin ralluma sa chandelle et suivit l’inconnu d’assez loin,
son frère derrière lui. À un carrefour, il choisit la direction d’où
provenaient des éclats de voix, des prières et des lamentations. Quand les
bruits furent bien distincts et qu’il perçut des lueurs, il éteignit à nouveau
la lanterne.
La fade odeur qui arriva à ses narines le fit
frissonner. C’était celle de la place des bouchers, devant le Châtelet, celle
que l’on sentait quand l’exécuteur de la haute justice démembrait un condamné.
C’était l’odeur du sang. On venait de tuer.
Le cœur battant le tambour, les deux frères
avancèrent avec précaution dans le noir. Enfin le prévôt de Paris découvrit
d’où venaient les paroles. Devant lui s’étendait une crypte éclairée par des
chandelles et des flambeaux. Restant dans l’ombre contre son frère, il observa
des hommes et des femmes qui transportaient des corps. D’autres installaient
des bancs devant une table où s’asseyaient déjà femmes et enfants.
Ce ne pouvait être que des cathares, mais quels
étaient ces corps ? Y avait-il sacrifice humain comme certains le
rapportaient ?
Il chuchota à son frère d’aller chercher les gens
du guet, et surtout qu’ils arrivent vites et silencieusement.
Son frère parti, Philippe Hamelin examina
longuement la salle. Il aperçut l’homme en haubert qui parlait avec une femme.
Le couple ne semblait pas s’intéresser à ce qui se passait autour de lui.
Continuant d’observer, il remarqua que personne n’était armé, sinon celui en
haubert, mais que sous un flambeau on avait empilé épées et masses d’armes. Ses
hommes devraient empêcher que les cathares ne s’en saisissent, se dit-il.
Dans la crypte, quelqu’un commença à parler et le
silence se fit. Le prévôt de Paris reconnut l’orateur, c’était Enguerrand,
l’ancien syndic des tisserands. Il commença à lire un texte de saint Jean. Les
cathares, assis sur des bancs, écoutaient avec recueillement, joignant les
mains ou fléchissant les genoux en s’inclinant plusieurs fois. Ils répétèrent à
plusieurs reprises :
— Bénissez-nous !
Et :
— Priez Dieu pour nous pécheurs, afin qu’il
fasse de nous de bons chrétiens et qu’il nous conduise à une bonne fin.
— Que Dieu vous bénisse, dit Enguerrand en
étendant les mains
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