Paris, 1199
sur eux. Que Dieu veuille faire de vous de bons chrétiens et
vous conduire à une bonne fin.
C’était une étrange cérémonie, ressemblant à une
bénédiction catholique, mais pourtant si différente. Hamelin frissonna et se
signa : c’était une cérémonie d’hérétiques et il risquait la damnation
pour l’avoir écoutée.
Il était maintenant impatient. Il craignait que,
la bénédiction finie, les cathares ne s’en aillent et ne le découvrent. Enfin
il entendit son frère chuchoter quelques mots dans son dos. Les hommes d’armes
arrivaient et Robert avait même fait chercher du renfort.
Le prévôt se retira dans le souterrain et, à voix
basse, donna ses ordres. Il fallait capturer vivant l’homme au haubert. Pour y
parvenir, les arbalétriers devraient l’entourer avec interdiction de tirer.
Ensuite il fit entrer ses sergents chacun tenant épée, masse d’arme ou
arbalète.
Quand une dizaine d’hommes se furent ainsi
installés près de l’ouverture, il entra dans la crypte et lança un ordre :
— Je suis le prévôt de Paris, quiconque bouge
perdra la vie. Mes hommes bouclent toutes les issues et les arbalétriers vous
tiennent en joue.
Ce fut une débandade. Malgré les ordres du prévôt,
quelques arbalétriers tirèrent sur les fuyards, tandis que les femmes et les
plus peureux se rendaient en se jetant à genoux. L’homme au haubert, lui, avait
dégainé, mais il fut vite entouré et contraint de jeter son épée.
Le prévôt s’avança vers lui :
— Vous êtes Robin au Capuchon ! lui
dit-il.
Robert de Locksley ne répondit pas.
— Laissez-vous attacher, sinon, il y aura
d’autres morts.
Déjà ses hommes avaient saisi Anna Maria.
— Ne la touchez pas ! hurla Locksley.
Il tenta de s’interposer, mais les gardes étaient
trop nombreux et le rouèrent de coups avant de le garrotter.
Une heure plus tard, dans la rue de la
Tisseranderie, une longue file d’hommes, de femmes et d’enfants, tous poignets
liés, prirent la direction du Grand-Châtelet.
Chapitre 28
L e
mardi 25 mai à l’aurore, les gens du guet pénétrèrent dans la rue de la
Tisseranderie pour barrer les carrefours et empêcher toute fuite par les
jardins. Philippe Hamelin fit saisir plusieurs amis des tisserands hérétiques.
Les maisons de ceux qui avaient été arrêtés furent fouillées, puis
soigneusement fermées avec leurs clefs déposées au Grand-Châtelet.
C’est en descendant de sa chambre le matin, pour
aller avaler une soupe chaude, que Guilhem apprit la rafle des hérétiques. On
ne parlait que de ça dans les deux salles.
— Dans la nuit, seigneur ! lui répondit
l’hôtelier quand il s’inquiéta de ce qu’il entendait. On dit que le prévôt de
Paris avait eu des informations confidentielles sur des hérétiques qui se
réunissaient sous la tour du Pet au Diable !
Guilhem se tourna vers Bartolomeo, brusquement
livide comme un trépassé. La première réaction du jongleur fut de se précipiter
chez Bertaut, mais Guilhem le prit par l’épaule pour qu’il se maîtrise, lui
faisant comprendre qu’ils devaient rester indifférents, sinon ils seraient
suspectés, surtout si Anna Maria avait été arrêtée.
Avec une feinte indifférence, il interpella
pourtant le cabaretier.
— Connaissez-vous les hérétiques qui ont été
saisis ?
— Bien sûr ! C’étaient des voisins, des
amis ! Si j’avais pu me douter ! se lamenta l’hôtelier en écartant
les mains. Puis, avec les doigts de sa main gauche, il commença une
énumération : il y a Geoffroi le tavernier du Lièvre Cornu, Enguerrand,
l’ancien syndic de la guilde des tisserands, et Noël de Champeaux, le syndic
actuel. Tous de bons compagnons…
— Notre amie était logée chez Bertaut où elle
avait retrouvé un ami, l’interrompit Guilhem.
— Je crois bien qu’il a aussi été arrêté.
Vous devriez aller vous renseigner.
Sur son conseil, ils se rendirent rue de la
Tisseranderie où tous les ateliers étaient fermés. Interrogeant plusieurs
boutiquiers, on leur raconta le coup de filet du matin, à la première heure du
jour. Peu à peu, à force de questions, ils parvinrent à reconstituer ce qui
s’était passé. Le prévôt avait procédé à une première arrestation dans la nuit
en passant par la tour du Pet au Diable, ayant appris que des hérétiques se
réunissaient dans les sous-sols du Monceau-Saint-Gervais. Certains avaient vu
transporter des cadavres ensanglantés
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