Paris, 1199
long du fleuve,
bordé de maisons construites sur des piliers de bois.
Locksley remonta vers la maison forte, un édifice
rectangulaire, en grosses pierres de taille, n’ayant que des archères comme
ouvertures basses et une porte à double battant toute cloutée. Au sommet d’une
tour accolée flottait une bannière avec la croix du Temple. Du côté de la rue
du Chevet-Saint-Gervais, les fenêtres du premier étage du manoir étaient
étroites et protégées par d’épaisses grilles. Plus haut, les ouvertures étaient
ogivales et gémellées avec des colonnettes. Il examina un moment les alentours
sans apercevoir de chevaliers. Le porteur d’eau avait certainement raison, ici
ne devaient vivre que ceux qui s’occupaient des marchandises et du commerce du
Temple. C’est à la Villeneuve qu’il aurait à chercher Malvoisin.
Méditant sur la façon dont il pourrait le
retrouver, il emprunta la rue aux maisons sur piliers qui longeaient le fleuve.
Affamé, il acheta des pâtés chauds à un vendeur ambulant qui lui apprit qu’il
était dans la rue de la Mortellerie.
Il la suivit jusqu’à une grande place qui
s’étendait en pente douce jusqu’à la grève sablonneuse de la Seine. Là, il
s’arrêta un moment devant une croix élevée sur un perron carré de quelques
marches et mangea ses pâtés en regardant autour de lui.
Il se trouvait certainement devant le port le plus
important de Paris tant l’activité y était considérable. La grève était
couverte de barques de toutes tailles et d’innombrables pontons s’avançaient
dans le lit du fleuve. Un large escalier descendait dans l’eau pour permettre
le débarquement des petites cargaisons. Sur ses marches moussues, des enfants
aux pieds nus dans l’eau glacée tenaient la proue des barques pendant que les
mariniers en sortaient ballots, paquets ou tonneaux.
Sur les pontons et sur la grève, une cohue de crocheteurs
s’affairait, débarquant bois, foin, barriques ou sacs de blés sous la
surveillance d’officiers et de clercs en robe noire qui encaissaient les taxes.
Passant entre les barques, les chariots qui attendaient et les débardeurs qui
portaient des sacs, Locksley traversa la place, jetant un regard à la tour du
Pet au Diable qui dépassait des toits. Il avait été attiré par les grandes
cuves et les échafaudages le long desquels étaient suspendues des peaux
d’animaux. À la puanteur irrespirable, il devina qu’il arrivait dans le
quartier de la tannerie. Il ne devait donc pas se trouver loin de la place des
boucheries.
Effectivement, après avoir suivi une rue puante où
les peaux écorchées pendaient le long des façades, il déboucha devant le
Grand-Châtelet. De là, il remonta une autre rue, puis, ayant aperçu l’église
Saint-Jacques, il retrouva facilement Saint-Merry.
Ce même vendredi 30 avril, en fin
d’après-midi, une petite troupe de cavaliers arrivait au château de
Saint-Gilles.
Quand le grand-père du comte de Toulouse était
devenu comte, il s’était inquiété de la position de sa capitale, aux marches du
comté. Dans le passé, bien des invasions étaient arrivées par l’ouest, aussi
avait-il décidé de construire un château fort à l’extrême limite de ses terres,
à quatre lieues de Toulouse, sur un plateau longeant la rive orientale de
l’Aussonnelle.
Il n’y avait là qu’une petite ferme fortifiée, une salvetat qui, sous l’autorité de l’Église, bénéficiait de l’immunité de
la paix de Dieu et servait de refuge à ceux qui avaient tout perdu à condition
qu’ils se consacrent au défrichement des sols. Le nouveau château avait tout
naturellement été appelé Salvetat de Saint-Gilles.
C’était une forteresse rectangulaire avec deux
tours carrées à chaque extrémité, un donjon et un pont-levis sur des douves.
L’écuyer du chevalier commandant la troupe de
cavaliers cria aux guetteurs qu’ils étaient au service de la duchesse
d’Aquitaine et qu’ils arrivaient de Fontevrault. Il ne pouvait y avoir de
meilleure recommandation puisque le comte de Toulouse avait épousé la sœur de
Richard, Jeanne d’Angleterre. Celle-ci était partie en mars conduire une
expédition punitive dans le Lauragais et venait de quitter son armée pour aller
à Rouen retrouver le prince Jean et sa mère Aliénor afin d’assister aux
funérailles de son frère.
Le chevalier qui commandait la garde du château
fit donc baisser le pont et laissa entrer le capitaine de la troupe
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