Paris, 1199
dressée sur un soubassement de
pierres. Les charpentiers venaient juste de terminer l’assemblage des poteaux
et des sommiers avec des tenons et des mortaises, et des compagnons plâtriers
gâchaient déjà du plâtre mélangé à de la paille pour emplir les interstices
entre les colombes.
Robert de Locksley les regarda faire un moment
avant de demander au maître plâtrier.
— J’ai un trou dans un mur, chez moi, vous me
vendriez un peu de plâtre ?
— Vous en voulez beaucoup ?
— Un demi boisseau [19] .
— Servez-vous ! fit-il en montrant une
charrette à bras surmontée d’une caisse pleine de poudre blanche.
Locksley emplit son sac et paya d’une pièce de
cuivre. Ensuite il revint à son auberge où il ramassa un peu de paille dans la
salle avant de monter dans sa chambre.
Après avoir tiré le verrou et poussé à nouveau le
coffre, il vida le plâtre dans la bassine, le mélangea à l’eau du broc, ajouta
un peu de paille et étendit le mortier sur le trou en égalisant soigneusement
avec les mains. Quand tout fut bouché, il lissa avec de la paille. Par chance,
les murs n’étaient pas peints. Il jugea qu’une fois sec le résultat serait à
peu près indécelable. Il ramassa alors les déchets dans le sac, y mit la
bassine, nettoya sommairement la chambre et sortit.
Chapitre 7
R obert
de Locksley reprit le même chemin, passa devant la maison où il avait obtenu le
plâtre et descendit vers la Seine. Il déboucha dans une rue grouillante de
monde qu’il suivit un moment. La plupart des échoppes étaient occupées par des
tisserands que l’on voyait penchés sur leur métier à tisser. Dans les
culs-de-sac entre les maisons, des draps écrus, déjà tondus et foulés, étaient
tendus sur des cordes avec des poulies afin de leur donner une forme régulière.
Arrivé à un carrefour dominé par un donjon carré
cerné d’une enceinte fermée par une herse en bois, il s’arrêta, intrigué par
cette forteresse au milieu de ce quartier d’artisans. S’approchant de la herse,
il regarda dans la cour. Les herbes folles, les ronces et les arbustes
poussaient entre le donjon et la courtine. L’endroit ne paraissait pourtant pas
abandonné, car un solide escalier montait à une plateforme desservant un pont
dormant à dix pieds du sol qui protégeait la porte ferrée du donjon.
Il remarqua alors, sous le pont dormant, une
grosse pierre sombre comme il y en avait tant autour de Huntington. Une de ces
roches dressées que l’on voyait souvent dans les campagnes.
— Vous êtes nouveau, vous !
Il se retourna. C’était un porteur d’eau qui
repartait à la Seine remplir ses seaux. Il avait posé la perche qui les
soutenait et le regardait en souriant d’une bouche édentée.
— Je suis de passage, compaing.
— Vous voulez savoir qui habite le
donjon ?
— C’est cette pierre qui a attiré mon
attention.
— Le Pet au Diable [20] , ricana le porteur d’eau. C’est
la pierre sacrée d’où part la procession du feu de la Saint-Jean.
— Et le donjon ? s’enquit Locksley en le
désignant.
— La tour du Pet au Diable ? C’était la
forteresse des comtes de Meulan qui possédaient le fief du
Monceau-Saint-Gervais. En querelle avec le roi, ils l’ont perdue et elle a été
donnée aux Templiers. Les comtes de Meulan n’exercent plus que la basse justice
ici, et encore, seulement dans quelques censives.
— Le roi a cédé ce château aux
Templiers ? demanda Locksley, brusquement intéressé.
— Ils s’en servent d’entrepôt, bien qu’ils
possèdent déjà tout ici.
— Les Templiers possèdent tout ?
— Ils ont des maisons, des magasins, des
comptoirs, des granges, le four de la porte Baudoyer, les moulins sur la
rivière, et aussi le port, d’où ils débarquent le vin et le blé de leurs
commanderies.
— Pourtant, jusqu’à présent, je n’ai pas
rencontré de chevaliers du Temple.
— Ce sont des serviteurs qui vivent ici, ils
s’occupent des moulins, des magasins et de leur banque. Les nobles chevaliers
sont dans la nouvelle commanderie, la Villeneuve-du-Temple, là-bas, en dehors
de l’enceinte (il montra le septentrion). Ici, il n’y a que le vieux manoir
occupé par trois ou quatre chevaliers et quelques sergents.
— Par où y va-t-on ?
— C’est près de la Seine, en face des moulins
flottants. Descendez la rue de la Levrette, là-bas, et à la rivière, tournez à
gauche. Ou alors, continuez jusqu’à
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