Paris, 1199
pourrait
vous confier ? demanda Corbeil.
— Je punirai l’assassin.
— L’affaire ne pourra aller en justice,
seigneur comte, affirma Corbeil en secouant la tête.
— Qui a parlé de justice ? sourit
durement Locksley.
— Vous ne savez pas à qui vous vous attaquez.
— Peut-être que oui, répliqua énigmatiquement
Locksley. Maintenant, parlez Célestin, où je vais croire que vous n’êtes qu’un
menteur !
Ce fut Corbeil qui prit la parole.
— Célestin est venu me trouver, il y a trois
jours, expliqua-t-il. Il avait besoin de me raconter ce qu’il avait découvert.
C’était si effroyable que je lui ai dit de disparaître du monde. J’ai obtenu
qu’il soit reçu à Saint-Victor où on ne l’aurait jamais retrouvé… sans vous.
Le chanoine fit signe au moine de continuer.
— Quand le château a été pris, Basile a été
capturé. Il était blessé, mais pas gravement. Après l’avoir interrogé, Richard
a décidé de le gracier, car il voulait se racheter tant il craignait le
jugement de l’au-delà. Il a aussi décidé de libérer les prisonniers, mais Mercadier
n’a pas obéi : il leur a fait trancher les mains et les a pendus. Quant à
Basile, il a d’abord été battu. Seulement, il avait tellement été abîmé par les
coups qu’il était sur le point de trépasser. Pour ne pas être frustré du
plaisir de le voir souffrir en le faisant écorcher, Mercadier m’a demandé de le
soigner pour le garder en vie quelques heures. C’est à ce moment que Basile m’a
parlé du carreau empoisonné. En échange de sa confession, il m’a supplié de le
faire mourir et je lui ai donné de la ciguë.
— C’est donc bien lui qui avait empoisonné le
carreau ?
— Oui, mais le poison lui avait été remis par
des voyageurs venant de Palestine. Ce sont eux qui lui ont suggéré de tirer sur
le roi ou sur Mercadier avec des carreaux empoisonnés. C’était, d’après leur
dire, le moyen le plus rapide de faire cesser le siège quand l’armée de Richard
s’attaquerait à Châlus.
— Qui étaient ces voyageurs ? demanda
Locksley en se doutant de la réponse.
— Des Templiers.
Locksley opina lentement. Voilà pourquoi Malvoisin
était à Limoges et semblait tant se réjouir de la mort de Richard. Célestin ne
pouvait avoir inventé pareille histoire, car il ne pouvait connaître la
présence de Malvoisin. Mais si le Templier et celui qui l’accompagnait, ainsi
que Maurice de Bracy, étaient les instigateurs de la mort du roi d’Angleterre,
y avait-il quelqu’un derrière eux ? Certes, ce pouvait être le roi de
France, puisque Bracy était à son service, mais ce pouvait être aussi bien le
prince Jean dont Bracy et Malvoisin avaient été les amis. Or Jean avait autant
intérêt à la mort de Richard que Philippe Auguste.
— Vous comprenez pourquoi je veux que
personne ne sache que des Templiers sont responsables de la mort de Richard
Plantagenêt, insista Corbeil. Je connais bien frère Haimard, le Templier clerc
chargé des finances royales. Le Temple est tout puissant à Paris. S’attaquer à
l’ordre, c’est courir à sa ruine.
— Ce ne sont pas les Templiers, fit durement
Robert de Locksley en secouant la tête. Ce sont des Templiers, et je
crois les connaître.
Corbeil écarquilla les yeux, interdit. Cette
affaire le dépassait.
— Qu’allez-vous faire, seigneur comte ?
demanda-t-il seulement.
— Trouver ces hommes, les faire parler et les
punir. De là où il est, Richard me demande de le venger. Célestin, je vous crois.
Retournez sans crainte à Saint-Victor, je ne vous importunerai plus. Quant à
vous, Gilles de Corbeil, je vous remercie de m’avoir fait confiance.
Il héla Amaury qui arriva immédiatement.
Le chanoine resta un long moment à regarder cet
étrange comte anglais et son valet s’éloigner vers Paris.
— Sais-tu où est la Villeneuve-du-Temple,
Amaury ? demanda Locksley comme ils passaient la porte de la ville.
— Bien sûr, seigneur !
Chapitre 9
À la demande de l’abbé de Clairvaux, Louis VI ,
le grand-père de Philippe Auguste, avait offert une maison et une chapelle à
deux chevaliers du Temple qui cherchaient à s’établir à Paris en revenant de
Palestine.
Cette maison était voisine de l’église
Saint-Gervais, dans un fief dépendant du roi et non du comte de Meulan. Les
deux chevaliers avaient rapidement été rejoints par d’autres membres de l’ordre
des Pauvres chevaliers du
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