Paris, 1199
chèvre famélique
attachée à un piquet. L’enclos était fermé par une haute palissade, mais il y
avait une porte du côté de l’église.
Locksley tira le loquet et ouvrit.
Il découvrit une petite place au milieu de
laquelle se dressait un calvaire. Une chapelle avec clocher était écrasée entre
des bouges étroits construits sur des piliers supportant une galerie d’étage.
Mais il y avait surtout des chevaux caparaçonnés
et une dizaine d’arbalétriers et de Templiers en manteau blanc parmi lesquels
il reconnut Malvoisin. Sommairement dissimulés sous les piliers, ils
surveillaient la ruelle du Cul-de-Pet.
— Il est là ! cria quelqu’un qui l’avait
vu.
Locksley tourna la tête dans la direction de la
voix et vit Bracy avec un arbalétrier. Sans viser, ce dernier épaula et tira.
— Filons ! cria le Saxon à Amaury comme
le carreau s’enfonçait à un demi-pied de lui.
Ils repartirent en courant, mais déjà les cris
fusaient dans leur dos. À l’instant où ils débouchaient dans la rue aux Truies,
un nouveau carreau siffla et se perdit quelque part. Aussitôt après, ils
entendirent :
— Ne tirez pas, imbéciles, je le veux
vivant !
— Si on retourne d’où on vient ils nous
prendront facilement ! cria Locksley.
Avec des chevaux, les Templiers les rattraperaient
vite à terrain découvert et les massacreraient sans peine, se dit-il,
regrettant amèrement de n’avoir ni arc ni monture. De surcroît son haubert de
fer pesait sur ses épaules. À perdre haleine, ils prirent la ruelle par où ils
étaient arrivés, mais dans l’autre sens.
Les étroites maisons étaient bardées de croix de
Saint-André en bois multicolores. À chaque porte, Amaury donnait un coup de
pied pour l’ouvrir, mais elles étaient bien rembarrées. Par un encorbellement,
il essaya même de grimper dans une galerie, mais sans y parvenir.
— Nous n’avons pas le temps ! lui
souffla Locksley, continuons !
Ils repartirent.
— Par-là ! lança Amaury qui avait enfin
brisé d’un coup de pied la penture d’un portail.
C’était celui d’un enclos à cochons. Les porcs
grognèrent quand les fuyards les bousculèrent. Avisant une échelle de meunier
qui gagnait un étage, Amaury passa le premier et déboucha dans un couloir voûté
comme un four. À un embranchement, ils prirent au hasard et découvrirent plus
loin un escalier en vis de Saint-Gilles. En bas, ils arrivèrent dans une série
d’arcades construites sur des piliers de chêne. Entre elles, on apercevait des
arbres.
— C’est la route du Temple, seigneur !
haleta Amaury. Si on parvient à la traverser, on fuira facilement de l’autre
côté.
À son tour, Locksley reconnut la route qu’il avait
prise la veille. Plusieurs chariots qui transportaient des montagnes de foin
avançaient lentement vers Paris. Lorsque l’un d’eux passa devant eux, ils
sortirent et se glissèrent derrière les grosses roues de bois, puis se
coulèrent entre deux charrettes, provoquant un meuglement de contrariété du
bœuf attelé. Ils s’enfoncèrent dans une haie au moment où deux sergents du
Temple, à cheval, remontaient la rue en examinant le côté qu’ils venaient de
quitter.
Mais ils n’avaient aucun endroit où se cacher.
Amaury tenta de se frayer un passage dans les buissons épineux, mais ne parvint
qu’à s’écorcher. Locksley courut donc vers un porche plus bas. Suivi du jeune
homme, il entra dans une cour, où des poules picoraient sur un tas de fumier.
Sur un banc, contre la margelle d’un puits, un
vieillard dormait.
— Je les vois ! hurla une voix dans leur
dos.
C’était un des sergents du Temple.
Les fuyards traversèrent la cour pour pénétrer
dans un champ de vignes, détalant aussi vite qu’ils le pouvaient. Pourtant,
très vite, Locksley entendit la galopade proche et comprit qu’ils ne pourraient
s’échapper. Il se retourna : les deux cavaliers arrivaient sur lui, à une
cinquantaine de pas l’un de l’autre. Le premier tenait son épée haute, le
second brandissait une hache.
Locksley tira son épée et, bien campé sur ses
jambes, frappa la lame de celui qui était déjà sur lui. Le choc fut d’une telle
violence que le sergent Templier glissa de sa selle et tomba. Avant qu’il n’ait
pu se relever, Locksley lui brisa le crâne d’un coup de taille.
La scène n’avait duré que quelques instants, mais,
par sa violence et son horreur, elle avait cassé l’élan du second sergent
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