Paris, 1199

Chevet-Saint-Gervais.
    Malvoisin ?
    Bracy pâlit brusquement et un frisson glacial le
parcourut. Il eut l’impression que la pièce tanguait, tandis que les questions
se bousculaient dans son esprit. Pourquoi Robert de Locksley cherchait-il
Malvoisin ? Comment même savait-il qu’il était à Paris ?
    — Ensuite ? demanda-t-il d’une voix
blanche.
    — Ce chevalier est parti, seigneur, il est
retourné à Paris. Je l’ai suivi, de loin, mais il est revenu à la Corne de Fer.
    Sans y prêter attention, Bracy abandonna le beau
denier tournois d’argent, frappé à l’abbaye Saint-Martin de Tours, qu’il tenait
à la main et se leva. Rongé d’inquiétude, il partit en silence.
    Il croyait être le chasseur de Robert de Locksley
quand c’était lui qui les poursuivait ! Le Saxon se doutait-il de quelque
chose sur la mort de Richard Cœur de Lion ?
     

Chapitre 13
    L e
lendemain mardi, Locksley attendait Amaury dans la salle la plus basse de
l’auberge. Il avait prévu de lui demander de surveiller le manoir du Temple et
de repérer Malvoisin. Comment ? Il n’en avait aucune idée, mais il ne
doutait pas que le jeune garçon, plein de ressources, trouverait un moyen.
Pendant ce temps, lui-même attendrait dans une taverne près du port. Après
qu’Amaury l’aurait prévenu que Malvoisin sortait, il suivrait le Templier, lui
ferait avouer ce qu’il savait sur la mort de Richard et le punirait.
    Pour ces raisons, Locksley avait revêtu sa cotte
de mailles sur son gambison. Son épée et sa miséricorde pendaient à sa taille,
mais il n’avait pris ni son arc, ni son camail, ni son casque.
    — Seigneur, êtes-vous le noble comte de
Huntington ?
    Le Saxon s’attendait si peu à cette interpellation
qu’il resta un instant interloqué. Celui qui s’adressait ainsi à lui était un
gamin en sabots d’une maigreur effrayante.
    — Qui t’envoie ? demanda-t-il finalement
avec défiance.
    — Un chevalier, seigneur. Il m’a dit de
chercher un seigneur de Huntington dans cette auberge et de lui dire qu’il
voulait le rencontrer. Êtes-vous ce seigneur ?
    — Tu as faim ? demanda Locksley en
l’examinant.
    — Toujours, seigneur, répondit l’enfant les
yeux brillants.
    — Assieds-toi devant moi.
    Il fit signe à l’aubergiste qui n’était pas loin
et lui demanda une grande assiette de soupe avec son pain.
    — Maintenant raconte-moi tout.
    — C’est un chevalier Templier, seigneur. Il
m’a dit qu’il ne pouvait venir dans l’auberge, car il ne fallait pas qu’on le
voie. Si ses amis apprenaient qu’il vous a rencontré, ils le tueraient. Il veut
vous parler d’un seigneur de Malvoisin qui vous cherche et vous veut du mal… Si
vous êtes bien le comte de Huntington…
    Était-ce un piège ? Cela y ressemblait fort.
Mais qui souhaiterait le piéger ? Qui savait qu’il était à la Corne de Fer
et qu’il s’intéressait à Malvoisin ? Personne ! Donc ce pourrait bien
être un Templier qui aurait entendu une conversation à son sujet et qui veuille
le prévenir.
    Plus il y réfléchissait, plus cela lui paraissait
vraisemblable.
    — Où est ton Templier ?
    — Je peux vous conduire, seigneur, c’est tout
près ! proposa l’enfant la bouche pleine.
    L’aubergiste avait posé devant lui une tranche de
pain dans une écuelle couverte d’une épaisse soupe au chou et au lard qu’il
mangeait avec les doigts.
    — Allons-y dès que tu auras fini.
    Le gamin ayant précisé qu’ils pouvaient s’y rendre
à pied, ils sortirent du Monceau-Saint-Gervais par l’Archet-Saint-Merry et
remontèrent la rue qui conduisait à Saint-Martin-des-Champs, un prieuré
fortifié, au-delà de la nouvelle enceinte.
    Locksley aurait préféré attendre Amaury, mais il
était impatient de savoir ce que lui voulait ce Templier. Il avait donc prévenu
l’aubergiste de faire attendre quiconque le demanderait. Cette précaution fut
inutile car, au premier carrefour, ils rencontrèrent le jeune
Le Trébuchet.
    — Amaury ! s’exclama le Saxon. Je n’ai
pas pu t’attendre, car un Templier veut me rencontrer. Ce garçon me conduit
jusqu’à lui. Accompagne-moi, j’aurai certainement besoin de toi.
    — Je suis à vos ordres, seigneur.
    — Tu viens de chez toi ?
    — Oui, j’habite par là. (Il désigna la rue
d’où il venait).
    En chemin, Amaury interrogea le gamin, pour savoir
où ils allaient, mais les réponses de l’enfant furent si confuses que le jeune
voleur ne put