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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le cueillir au premier
rebond, ce qu’il réussit, le bras tendu à l’extrême et à l’extrême bout de la
raquette, l’esteuf franchissant à peine les franges et mourant quasiment sans
rebond de l’autre côté. M. de Nançay, surpris, resta les deux pieds gelés au
fond du terrain.
    — Ha !
Sire ! cria-t-il en riant, voilà, comme eût dit votre illustre aïeul
François I er , un beau coup de moine !
    À cette
remembrance souvent évoquée à la Cour, le Roi sourit d’un air fort atendrézi,
et la brillante assistance toqua des paumes à tout rompre, tant je gage pour
rendre hommage à la dextérité du souverain qu’à l’esprit d’à-propos du
courtisan.
    — Quarante-cinq
à Sa Majesté ! cria le juge. Trente à M. de Nançay !
    — Sire,
dit Nançay, tenez ferme votre raquette enchantée. Je vais égaliser.
    — Vertu
Dieu ! cria le roi, fort gasconnant. Tu n’en feras rien ! La peste
soit de toi, Nançay ! Le jeu sera à moi, sang de Dieu !
    — Je
cuidais, dis-je à voix très basse au sergent, que selon une ordonnance royale,
nul paumier ne devait souffrir en l’enceinte d’un jeu de paume, blasphème,
jurement ou impiété.
    — Le Roi,
dit Rabastens, la face imperscrutable, connaît fort bien cette ordonnance.
C’est lui qui l’a signée.
    — Hélas,
dit le naquet qui me parut avoir une tournure d’esprit fort sérieuse, beaucoup
de nos jeunes gentilshommes de cour cuident que les blasphèmes font l’homme
plus vaillant et plus fort. Dieu leur pardonne ! C’est tout le rebours.
    — Tenez,
Sire ! dit Nançay et il servit un esteuf haut et mol que le Roi voulut
cueillir à la volée.
    Il n’y faillit
point, mais rabattant trop, la balle toqua la corde et retomba dans les
franges, en deçà. Cependant, son propre roulement fit que, passant les franges
sur le sol, elle s’arrêta au-delà.
    — Le
point est à moi ! cria le Roi sans attendre la décision des juges.
    Il y eut
alors, dans la brillante assistance, des jaseries et des rires, lesquels
n’étaient pas sans cause et que je n’eusse guère aimés, si j’avais été le
souverain. Celui-ci, cependant, la raquette brandie, trépignait comme un
enfantelet.
    — Juges,
la décision ! cria-t-il d’une voix aigre.
    Les juges, qui
conciliabulaient à voix basse, relevèrent la tête et celui qui avait la charge
de la parole dit :
    — Le
point est disputé.
    — Quoi !
s’écria le roi, tout soudain sourcillant, on dispute le point ? C’est
scandale ! Mais l’esteuf est au-delà ! Et Nançay a failli à le
rattraper !
    — J’y ai
certes failli, dit Nançay en souriant d’un seul côté de la face.
    — Sire,
dit le juge avec un salut, l’un de nous pense que l’esteuf, toquant la corde,
est tombé en deçà, et a bien roulé ensuite au-delà, mais sous les franges.
    — C’est
scandale, cria le roi, qu’une telle opinion puisse se professer céans !
Que dit là-dessus Sa Majesté la Reine ? Je m’en rapporte à son sage
jugement.
    Il se passa
alors un assez long moment au cours duquel les dames d’honneur de Catherine de
Médicis se refermèrent sur elle comme un essaim d’abeilles autour de leur Reine
et cet essaim ayant bruissé et bourdonné tout à loisir, une des plus
étincelantes dames s’en détacha et vint sur le jeu, ondulant en sa brillante
vertugade, le tétin mignardement pommelant, l’œil en fleur, les lèvres
fraîches, et si splendide en ses affiquets et de sa face si belle que mon cœur
me battit comme cloche et que mes mâchoires se crispèrent dans le grand appétit
où je fus tout soudain de la lécher tout au long de son adorable corps.
    La belle fit
au Roi un tant profond et gracieux salut qu’il eût fallu être un tigre pour
n’en être pas adouci.
    — Sa
Majesté la Reine, dit-elle d’une voix claire et suave, se ramentoit que lorsque
votre auguste père Henri II se livrait à ce tant noble desport, et qu’un
point était comme aujourd’hui disputé, il acceptait en sa royale condescendance
que le point fût rejoué.
    — J’obéirai
donc à la Reine ma mère, dit le Roi qui jamais de sa vie n’avait fait autre
chose.
    Et salua la
belle messagère civilement, mais non sans quelque craintive timidité que,
certes, je n’eusse pas montrée à sa place. Mais hélas, combien perdais-je à ne
pas y être !
    Le paumier
incontinent garnit d’esteuf M. de Nançay, lequel prenant la posture du servant,
dit :
    — Tenez,
Sire !
    Et il servit
si

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