Paris Ma Bonne Ville
fusse huguenot ou non, adorant des dieux terrestres.
— Ha !
Siorac ! me dit-il se jetant dans mes bras dès qu’il me vit et me donnant
cent baisers, que je suis donc ravi de vous revoir, et que longue infiniment
m’a paru votre absence ! En ma conscience, je ne sais à quel diable je me
vouerai quand vous départirez de Paris, comme le maestro Giacomi me dit que
vous avez dans l’esprit de le faire, étant lassé d’attendre votre grâce.
— Quéribus !
dis-je en le prenant par le bras et avec lui marchant qui cy qui là dans la
salle, je ne suis pas Baron, moi, mais cadet, et il me faut m’établir en ma
médecine sans délayer plus avant.
— Que ne
vous établissez-vous en Paris ? s’écria Quéribus en s’arrêtant et en
m’envisageant de ses yeux bleu azur, le sourcil levé haut. Il me serait
assurément aisé de quérir du Duc d’Anjou qu’il vous adjoigne à Miron et à votre
ami Fogacer.
— Quéribus,
dis-je, je suis confondu de votre amicale bénignité et je vous en fais mille
merciements. Mais mon cœur est resté en Provence, et je ne saurais demeurer
loin de lui.
— Quoi ?
dit-il, êtes-vous ensorcelé d’une belle demoiselle de vos pays au point que
vous la vouliez marier ?
— Tout
justement.
— Que ne
la mariez-vous dans ce cas ?
— Son
père redoute de se damner en prenant un gendre hérétique.
— Il en
faudrait mourir ! dit Quéribus en riant. Vertudieu ! Cette
superstition me pue ! Le Roi de France se voue-t-il aux flammes de l’Enfer
en choisissant un beau-frère huguenot et contre l’avis même du pape !
Mais, Siorac, revenons à notre nœud. Que peut-on faire pour le délier, ou du moins
le couper ? Enlever la demoiselle pour que vous l’épousiez ensuite !
Tudieu ! Je vous y aiderai de tout cœur et de tout corps. Commandez !
Ma fortune, mes forces et mes gens sont à vous !
— Ha !
mon frère ! dis-je en serrant son bras dans l’étau du mien, je suis touché
au vif de l’émerveillable générosité que vous mettez à me servir, mais Angelina
est cette sorte de fille qui ne saurait consentir à un enlèvement. Elle
respecte trop M. de Montcalm, même si elle ose l’affronter !
— Montcalm !
dit Quéribus, le sourcil haut. Le Montcalm de Nismes ? Est-ce là son
père ? Mais bien le connais-je, encore que je ne l’aie jamais envisagé. Il
est même quelque peu mon parent, y ayant un Gozon aussi chez mes ancêtres.
Siorac, poursuivit Quéribus d’un air joyeux, je lui vais écrire, lui disant en
quelle extraordinaire faveur le Duc d’Anjou vous tient et votre gentil frère
aussi. Mais par ma foi, que fîtes-vous de votre beau Samson ? Lui qui vous
quitte moins que Castor, son Pollux ? Le Duc, de l’avoir vu qu’une fois, en
est fort raffolé et parle souvent de lui.
— Je l’ai
laissé à Montfort-l’Amaury dans les bocaux d’une apothicairerie.
— Et
peut-être fîtes-vous bien, dit Quéribus avec un fin souris et me guignant du
coin de l’œil. Cette Cour est périlleuse aux bonnes et peu pliables gens.
Siorac, je vais écrire à Montcalm une lettre qui, à ce que je cuide,
l’adoucira. Après tout, poursuivit-il en baissant la voix et en jetant aux
alentours un regard circonspect, Montcalm ne peut qu’il ne se ramentoit que le
Duc est notre futur souverain, Charles étant si mal allant et n’ayant pas de
fils. D’après ce que j’ai ouï, Montcalm, lassé d’être juge-mage, aurait grand
appétit à la sénéchaussée de Nismes. Peut-être, ajouta Quéribus en riant,
l’Enfer lui paraîtra moins chaud et ses flammes moins hautes s’il peut penser
que son gendre, tout hérétique qu’il soit, est tant bien en cour qu’il pourra
avancer sa fortune.
Là-dessus,
Silvie lui ayant signifié par un salut de son épée qu’il l’espérait pour un
assaut, Quéribus prit son congé de moi, non sans me bailler derechef une forte
brassée et je ne sais combien de baisers et de petites tapes dans le dos.
L’épée déjà dégainée et son pourpoint mis bas, il revint sur ses pas pour me
faire jurer de prendre toutes mes repues avec lui pour ce que, disait-il, il ne
me voulait quitter de tout le jour. Et pour moi, l’envisageant tandis qu’il
tirait avec le maestro avec cette suprême grâce qui vient de l’adroit
ménagement de la force, si je ne laissais pas d’être ému par l’amitié, comme
assoiffée de moi, qu’il me montrait, j’étais béant qu’il fût comme on
prétendait que tant de
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