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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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rêvais que ma petite mouche d’enfer était nue dans mes bras en sa natureté,
tant mince, et rondie pourtant, et tiède et lisse et parfumée que le cœur m’en
battait en une solace infinie, tous mes sens contents et comblés. Ha !
Certes ! Si j’avais été éveillé, j’aurais pu (encore que je ne sache pas
si je l’aurais voulu) repousser loin de mon esprit ces images qui tiennent tout
ensemble de Dieu et du Diable, de Dieu pour la croissance et la multiplication
de notre espèce, et du Diable par l’usance interdite que nous en faisons. Mais le
sommeil a ceci de bon que nous y pouvons pécher sans pécher, puisque notre
volonté n’a point de part dans les visions et les émeuvements qui naissent en
nous comme de soi par l’agitation de nos seuls esprits animaux, notre
conscience étant endormie.
    Tant est que
chaste depuis si longtemps, non pas tant par vertu, s’il faut parler à parole
déclose, que par les innombrables traverses et tracas de ma parisienne vie,
j’éprouvai d’ineffables délices à serrer contre toute la longueur charmée de
mon corps le corps de ma petite mouche d’enfer, délices qui croissant par ce
qui les nourrissait (comme eût dit l’estuvière) devinrent à la fin si aiguës et
si vives qu’elles me réveillèrent tout à plein et que mes yeux s’ouvrant à la
lumière de l’unique chandelle qui éclairait mon chevet, je vis, battant des
cils émerveillée comme Adam à sa première aurore, je vis qu’Alizon, et non
point son fantôme, était dans mes bras bel et bien, et nue comme je l’avais
rêvé : encontre où je trouvai un inouï contentement, et quand enfin
cessèrent les tumultes qu’elle ne faillit à provoquer, une ardeur et une
vigueur à vivre que je n’avais pas éprouvée depuis mon département de
Mespech : preuve, hélas, que ma médecine ne saurait longtemps faire bon
ménage avec ma théologie, si sévère que soit celle-ci, puisque je la tiens de
Calvin.
    — Ha !
Monsieur, dit Alizon quand la parole nous revint, à mon entrée céans je vous ai
vu plongé dans un tant profond endormissement, et un souris tant ravi sur les
lèvres que l’idée me vint de passer pour un de vos songes sans que vous vous
réveilliez. J’y ai failli, je crois.
    — Ho que
non, mamie ! dis-je en la serrant contre moi, car de toi justement je
rêvais.
    — Ho,
Monsieur, cria-t-elle, m’abusez-vous ? Le jureriez-vous par la benoîte
Vierge dont vous portez autour du col cette belle médaille ?
    — Assurément,
dis-je content de pouvoir jurer sans blasphème, Marie n’étant pas pour moi
cette idole que les papistes en ont fait.
    — Ha !
Moussu ! dit ma petite mouche d’enfer, son œil rond et noir de jais tout
brillant, que j’ai de contentement à vous ouïr, ayant été en fort grande
doutance que vous ayez autant appétit de moi que moi de vous, raison pourquoi,
à vous voir nu et endormi, je me dévêtis tout à trac et sur vous me mis, afin
que, pris sans vert quasi dans le sommeil, vous me coqueliquiez enfin.
    — Alizon !
dis-je en riant à gueule bec, est-ce en Paris la mode qui trotte que les garces
y forcent les hommes ?
    — Ha !
Monsieur ! dit-elle avec un souris où éclatait sa candide simplesse, je
l’eusse fait dès notre première encontre, si j’avais eu de quoi.
    Gausserie qui
me parut si parisienne en son effronterie que j’en ris à m’en éclater la rate,
et cependant non sans quelque émeuvement aussi, et de la grande tendresse
qu’Alizon avait prise pour moi, et qu’elle me la décelât tant bonnement.
    Ayant ri avec
moi, Alizon se tut et ne voyant que son cheveu, sa tant mignonne face étant
appuyée contre mon épaule et mon col (où je sentais son souffle) je me pensais
qu’elle allait s’endormissant après son dur labour chez le Maître Recroche
quand elle dit :
    — La
belle médaille, à la vérité, que vous avez là ! Et d’or ! Et tant
bien ouvragée ! et ancienne !
    — Elle me
vient de ma mère qui me la légua à sa mort, me priant de la porter toujours.
    — Ha !
Monsieur ! reprit-elle. Que j’ai d’aise de votre zèle pieux ! Et
aussi de vous avoir entr’aperçu en votre pourpoint emperlé au prêche du bon
curé Maillard, car le chiche-face Recroche, qui peu vous aime, nous avait dit à
Baragran et moi qu’il vous tenait pour un hérétique masqué, et votre joli frère
aussi.
    — Hé
quoi, Alizon ! dis-je, en attentant de rire, m’aimerais-tu moins si
j’étais

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