Paris Ma Bonne Ville
vous apprendre ma botte secrète.
— Quoi ?
dis-je, frémissant et en croyant à peine mon ouïe, votre coup du jarret ?
La botte de Jarnac ! Giacomi, vous feriez cela ?
— Mon
frère ! dit-il avec gravité, je ne peux que je ne le fasse en raison du
danger à quoi vous exposent ces assassins loués, lesquels ont une science de
l’embûche et des nocturnes combats qui les rendent plus redoutables que des
tigres. En outre, ils ne vous assailleront pas en loyal duel un contre un, mais
à plusieurs.
— J’aurai
Miroul.
— Vous
serez deux. Ils seront quatre, ou. plus encore. Et c’est là où ma botte vous
tirera d’affaire. Car elle est d’exécution si prompte et si irrémédiable qu’en
deux secondes, vous aurez deux hommes sur le pavé, non pas morts, mais hurlants
et mutilés, exemple à frapper les autres de telle terreur qu’ils vous
laisseront la place.
J’envisageai
Giacomi sans trouver voix pour lui répondre, l’œil tout à plein dilaté,
paralysé en ma stupeur et béant de ce que, pour ma protection, il allât jusqu’à
partager avec moi cette botte secrète qu’il avait héritée de son maestro et
qu’étant le seul au monde à connaître (avec Jarnac, mais celui-ci, fort vieux
et mal allant) il prisait au-dessus de tous les trésors du Grand Turc.
Ha ! J’imagine bien que ce ne fut pas sans en débattre âprement en
lui-même, et sous l’effet de son inouïe amitié, que Giacomi avait désiré
m’apprendre son coup fameux, ce qu’il fit les jours suivants, en une salle que
Quéribus nous prêta en son hôtel de la Grand’Rue Saint-Honoré, sans qu’il y eût
en cette pièce personne pour nous observer, pas même notre hôte, et pas même
mon gentil Miroul, Giacomi me faisant jurer sur les Évangiles de ne jamais en
révéler le secret à quiconque avant sa mort, et de n’en user moi-même qu’au
désespoir et pour sauver à toute extrémité ma vie en un combat manifestement
inégal.
Le
17 août eurent lieu les fiançailles de la Princesse Margot et d’Henri de
Navarre, et Quéribus me dit que le mariage étant fixé pour le lendemain, il
pourrait, si j’y avais appétit, me faire admettre sur l’estrade où devant
Notre-Dame serait donnée la bénédiction, Navarre se refusant à pénétrer dans la
nef pour ouïr la messe.
— Ha !
Baron ! dis-je, pourrais-je être accompagné d’une dame de la noblesse
normande et de sa chambrière ?
— Quoi !
dit Quéribus en riant, vous voilà le sigisbée d’une haute dame, comme vous le fûtes
en Montpellier ! Vous me l’aviez celé !
— Point
du tout ! Elle est à mon beau Samson et non à moi, et tant qu’il demeure
en Montfort, je la lui chaperonne.
— Il en
faudrait mourir ! cria Quéribus en riant de plus belle, quel chaperon
est-ce là ! Vertudieu, j’aurais fiance davantage en un renard pour
protéger un poulailler !
Peu s’en
fallut que Dame Gertrude du Luc et sa Zara m’étouffassent sous les baisers, les
embrassements et les mignonneries quand je courus leur annoncer la bonne
nouvelle en leur logis de la rue Brisemiche. Elles s’étaient fait une immense
fête de s’emplir les yeux de ces épousailles et désespéraient de ne les pouvoir
contempler que de loin, sans envisager dans le menu le précieux détail des
attifures de la Reine-mère et de la Princesse Margot, pour ne point parler des
Princes du sang et de tant de beaux gentilshommes magnifiquement parés qui se
tiendraient à l’alentour.
Je les quittai
pour aller voir Alizon en son logis pour ce qu’elle ne labourait point ce jour
chez Maître Recroche, le Roi ayant décidé que la veille du mariage princier
serait chômée par les manants et habitants de sa bonne ville de Paris afin
qu’ils pussent orner les rues et les carrefours de la capitale et se préparer
eux-mêmes à la fête.
Le logis, ou
plutôt la proprette chambrifime d’Alizon était sise rue Tirechappe, sous les
toits (lesquels chauffaient fort en cet août étouffant) et prenait l’air, sinon
la fraîcheur, par une lucarne chétive et grande ouverte, à côté de laquelle ma
petite mouche d’enfer, fort gracieusement assise sur une chaise basse, tirait
l’aiguille aussi prestement qu’araignée le fil de sa toile.
J’entrai tout
de gob, et sans toquer, l’huis étant déclos afin que passât l’air du fenestrou
à la porte, et de la porte au fenestrou.
— Hé
quoi, Alizon ! dis-je en m’avançant, penchant le chef pour ne le point
heurter
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