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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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prendre pour époux « Henri
de Bourbon, Roi de Navarre », elle ne dit mot ni miette, et la tête roide,
la face de marbre, l’œil fixe, elle resta plus muette et plus immobile que
souche. Je laisse à penser la stupeur et le scandale qui envahirent la Cour et
nous firent tous nous accoiser, le souffle suspendu, mais pour peu. Car la
Reine-mère, qu’on ne prenait pas sans vert, se pencha, murmura quelques mots à
l’oreille du roi, lequel, se dressant l’air courroucé, empoigna par-derrière
Margot à la nuque de cette rude main dont elle avait eu dures battures et
frappements quand son commerce avec le Guise avait été découvert, et la
contraignit à plier le col et à pencher la tête, attitude où, toute forcée qu’elle
fût, le cardinal de Bourbon voulut bien voir un signe d’assentiment et
poursuivant la bénédiction en son majestueux latin, prononça les paroles
sacramentelles qui unissaient l’heureux couple pour le meilleur ou pour le
pire – lequel pire était là déjà.
    Il nous fallut
une grosse heure pour regagner notre coche tant la presse avait crû dans la
Cité depuis notre arrivée sur l’estrade. À ouïr ce qui se disait à l’entour, il
me parut que le peuple, encore qu’il se préparât à festoyer l’événement (tout
haïssable qu’il le tînt) par le boire, le manger et la danse (sur laquelle les
prêtres papistes, moins austères que nos ministres, clignaient les yeux),
n’était pas le moins du monde réconcilié à cette union une fois qu’elle était
accomplie. D’autant que tous les religieux qui s’encontraient en cette foule
prêchaient ès rues comme en chaire, et tout cheminant, fulminaient
séditieusement contre Jézabel et Achaab, désignant par ces derniers, comme j’ai
dit, je crois, Catherine et le roi, soupçonnés de favoriser en secret la foi
des réformés. Preuve que tout homme est pour tout autre un hérétique en ce
siècle zélé, car ce nom de Jézabel, les nôtres l’avaient pareillement baillé à
Catherine après l’entrevue de Bayonne où elle avait vilainement barguigné avec
Philippe II, attentant de troquer la mort des huguenots contre un mariage
espagnol.
    Pendant quatre
jours et quatre longues nuits après le mariage de Margot, ce ne fut au Louvre
que banquets, bals et festoiements. Je fus de tous et ne voulant point ici
faire le chattemite (comme bien tu le sais, lecteur) j’oserais dire que, comme
m’y portaient mon âge et ma complexion, je les eusse fort aimés s’il n’y avait
eu en cette liesse des pointures et épines qui agréèrent peu à ceux de mon
Église. Car, en ce feint réconciliement, le cœur n’y était point, bien à
rebours. Ce ne fut, comme on va en juger, des papistes à nous, que grimaces,
griffures, gausseries et malicieux déprisements.

Le
20 août, sur une immense estrade érigée devant l’hôtel du Petit Bourbon,
nos Princes donnèrent une pantomime, laquelle nous resta fort au-travers de la
gorge. Une poignée de chevaliers maudits – Navarre, Condé, La
Rochefoucauld – attaquaient le Paradis que figuraient douze gracieuses
nymphes parmi lesquelles Margot et Marie de Clèves, l’épouse de Condé que le
Duc d’Anjou aimait d’une chagrine amour. Des anges – à savoir le roi,
Anjou et Alençon – intervenant alors, défaisaient les méchants et les
repoussaient en Enfer, à la senestre de l’estrade, où brûlaient des feux, de
bengale en de sulfureuses vapeurs. Quoi fait, les anges dansaient avec les
nymphes fort longuement, tandis que les diables tourmentaient les captifs,
lesquels étaient à la fin pardonnés et délivrés, mais sur l’intercession des
belles, et non point par leurs propres forces. Dénouement qui, en sa
contrefaite douceur, ajoutait à l’outrage de l’allégorie.
    Le 21, ce fut
pis. Des Turcs, figurés, comme bien entendu, par Navarre et Condé qu’on avait
grotesquement costumés, s’en prenaient à des amazones – que jouaient, le
sein nu, le Roi et ses deux frères – lesquels, toutes femmes qu’ils
fussent en l’occasion, les vainquaient en un tournemain.
    Ce même jour,
Gertrude du Luc voulut que je l’accompagnasse au prêche du père Victor, dont le
renom avait atteint sa Normandie. C’était un homme dont la haute stature et la
puissante voix paraissaient davantage façonnées pour le métier des armes que
pour le froc dont il était vêtu. Martelant des deux poings son pupitre, il
parla deux grosses heures contre le mariage princier,

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