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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vent.
    — Quoi ?
dis-je, sans but ?
    — Point
tout à fait. J’ai encontré, dit-il baissant encore la voix, sur un tréteau du
Pont-aux-Meuniers, un petit saltarin qui m’a séduit par ses mille et un tours,
tant gracieux et mignard qu’il damnerait un saint Jérôme méditant sur la mort
et les péchés du monde. Vous connaissez le mien. Trahit sua quemque voluptas [58] La merveille départ demain avec sa troupe en les provinces. Je le suis.
    — Ha !
Fogacer ! dis-je, est-ce raison ?
    — Est-ce
raison que de consumer céans inutilement mes jours, n’étant rêveux que de
lui ?
    À quoi je ne
répondis miette, connaissant fort bien ces songes-là, combien fût différent
l’objet qui me les inspirait.
    — Fogacer,
dis-je, je te souhaite tout le bonheur du monde.
    À quoi il rit
pour celer, à ce que je cuide, son émeuvement, et m’ayant assuré, toujours
riant, que s’il pouvait prier, il prierait pour que j’aie la grâce du roi, il
me donna une brassée brève, forte, et en sa force quasi furtive, et s’en fut,
sautillant comme un insecte noir, me laissant tout étonné d’une absence par où
je me sentis soudain très démuni en cette étrange Paris, mon Samson étant en
Montfort, et mon Quéribus en Saint-Cloud. Et comme je restais cloué sur place,
la tête tout soudain embrumée, un quidam, qui se trouva être le maître-paumier
Delay, me saisit fort familièrement par le bras, et me dit quasi me tançant en
sa parisienne effronterie :
    — Monsieur
de Siorac, que délayez-vous céans à bayer aux colombes ? La chose est
faite. Tant promis, tant tenu. Le Roi vous prend pour partenaire, sur
l’assurance que je lui ai donnée qu’avec vous il ne pourrait que gagner, et la
partie, et les deux cents écus que le Duc de Guise et Téligny viennent de gager
sur soi. Courons, mon ami, le Roi est tant impatient que diable en
bénitier !
    Il l’était, en
effet, et brandissant sa raquette, sautillant sur place, répondit à peine à mon
profond salut, tant il lui tardait de me voir en chemise et à son côté, et
jamais, sanguienne, jamais, je ne mis bas pourpoint tant promptement que ce
jour-là, Delay m’aidant, et ma vêture et mon escarcelle emportant avec lui en
la tribune.
    — Or çà,
jouons ! dit Charles IX férocement ; par la Mort Dieu je les
veux moudre en poudre, tous les deux ! Comment te nomme-t-on ?
    — Pierre
de Siorac, Sire. Je suis fils cadet du Baron de Mespech en Périgord.
    — Siorac,
dit le Roi qui n’avait rien, en ses manières et son adresse, de l’exquise
civilité du Duc d’Anjou, et me donnait du « tu » d’emblée au lieu que
de me vousoyer, ton revers est-il suffisant ?
    — Sire,
on le tient pour tel.
    — Joue-le
dès lors sur celui de Téligny, lequel est faible.
    Ainsi je fis
et sur son réitéré commandement, tout à plein sans relâche – acharnement
que, seul, j’eusse trouvé discourtois – tant est que nous gagnâmes la
première partie sans que nos adversaires nous pussent prendre un seul jeu,
Téligny faillant à retourner du sien un seul de mes revers et le Duc lui-même
jouant moins bien qu’à l’accoutumée, paraissant à s’teure perdu en ses pensées
et à s’teure épiant l’alentour, et l’œil posé en tapinois sur Coligny, comme
impatient de le voir là. Cependant l’Amiral, assis à la tribune, calme et
composé comme on dit qu’il était toujours, disait civilement son mot des beaux coups
de raquette, quoi qu’il pensât en soi de ce desport inutile et de tous les jeux
et joutes qu’il avait dû avaler au rebours de son estomac depuis le 18, le Roi
ayant dit qu’il voulait faire le fol tant que durait la fête, et qu’on ne lui.
parlât point des affaires du royaume, fût-ce des plus conséquentes, avant
qu’elle fût finie.
    Cependant, le
Roi criant qu’il lui fallait une pause pour changer sa chemise, laquelle était
jà tout en eau (la touffeur étant forte entre les quatre murs de la paume),
l’Amiral, se levant, lui demanda son congé et s’en fut, entouré de ses
gentilshommes (et Guise, me sembla-t-il, tout conforté de le voir départir).
Sur quoi, et tandis qu’un valet, la chemise bas, frottait Charles à
l’arrache-peau, Delay s’approcha de lui et dit tout de gob :
    — Sire,
Monsieur de Siorac quiert de vous votre grâce pour un gentilhomme qu’il a tué
en duel loyal.
    — N’ai-je
pas contre les duels ordonnancé ? dit le Roi d’un air maussade,
mal’engroin et

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