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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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comme indifférent.
    — Sire,
dis-je, ce fut une embûche sur un chemin, et le traître, avant que de me
provoquer, avait mis une cotte de mailles sous son pourpoint.
    — Par la
Mort Dieu ! dit le roi, une lueur d’intérêt s’éveillant sur sa face,
comment fis-tu en ce cas pour l’occire ?
    — Je lui
mis deux pouces dans l’orbite dextre.
    — Deux
pouces ! dit le Roi avec un brillement cruel de l’œil, deux pouces !
Le brave coup ! Siorac, tu auras ma grâce !
    — Sire,
dit Delay qui connaissait l’aune de ces promesses-là, que ne la signez-vous
incontinent ? Voici une écritoire, du papier, le dos de mon valet...
    — Tu
m’ennuies, Delay, dit le Roi à qui on remettait une chemise propre et qui ne
pensait qu’à jouer derechef.
    — Sire,
dit Delay, nullement rabattu et qui savait sans doute aussi bien que la
Reine-mère comment l’importunité venait à bout de la volonté du roi. Sire, vous
le dites vous-même. Il faut battre le fer...
    — Paix,
Delay, paix ! dit le roi. Je veux jouer !
    — Sire,
dit Delay, vous êtes trop bon forgeron pour ne point battre le fer tant qu’il
est chaud.
    — Allons,
dit le roi, vaincu autant par l’insistance que par la cajolerie, cette plume,
mordieu !
    Et il
griffonna ma grâce sur le dos du valet à qui, le mot griffonné, il donna tout
soudain un grand coup de pied de par le cul, comme pour se revancher sur lui de
la violence qu’on lui avait faite. Et le pauvre maraud s’étalant sur le sol,
cela l’ébaudit tant qu’il rit à rate éclatée, et d’humeur allègre à nouveau,
brandissant sa raquette et bondissant comme saltarin, il cria :
    — Au
labour, compère ! Par la Mort Dieu, nous allons moudre ces deux-là en
poudre ! Les deux cents écus sont à moi !
    Ha !
lecteur ! Je ne me fis pas prier ! Ma grâce en poche, sans même avoir
le temps d’en remercier Delay et béant de l’avoir eue tant promptement après
une telle attente et tant de tracas et traverses en la          Cour, je jouai
comme fol, prêt à assener joyeusement tant de revers au malheureux Téligny
qu’il ne saurait plus à quel diable ou succube sa raquette vouer ! Et bien
je me ramentois que de ce moment il ne marqua plus un seul point, non plus
d’ailleurs que Guise, lequel, depuis le département de Coligny, paraissait si
absent qu’on eût dit que son œil ne suivait plus l’esteuf et que son bras le
frappait à l’aveugle. Tant est que nous eûmes quatre jeux à l’affilée, le
naquet ne marquant que pour nous, et qu’enfin nous serions venus en un
battement de cil au bout de cette partie-là, si un grand cri n’avait éclaté à
la porte de la paume, suivi d’un grand tumulte, et tout soudain, nous vîmes
Yolet, le valet de Coligny, irrompre sur le terrain tout courant, et haletant,
les larmes lui coulant des yeux, et de tant de terreur frappé, qu’ouvrant la
bouche, il ne sut que crier en se jetant à genoux, et les mains se
tordant :
    — Ha
Sire ! Ha Sire !
    — Par la
Mort Dieu, qu’est cela ? cria le Roi en sourcillant. Ose-t-on bien
interrompre le Roi à son jeu !
    — Ha
Sire ! cria Yolet, qui en son désespoir s’arrachait les cheveux et se
griffait les joues, on vient d’attenter d’occire l’Amiral !
    — Quoi ?
dit le Guise avec un haut-le-corps, attenté ?
    Et jusqu’à la
fin de mes jours terrestres, je me ramentevrai de quel accent d’immense
déception il dit ce seul mot « attenté ». Je dis bien ce seul mot,
car il s’accoisa incontinent, le corps immobile, la face imperscrutable et
l’œil fiché au sol,
    — Ha !
dit le roi, béant. Et son œil envisageant tour à tour Yolet, le Guise, et
l’esteuf qu’il avait à la main (car il servait) tout soudain il se courrouça,
mais de fort infantine guise, comme avant tout dépit d’avoir à interrompre sa
paume. Jetant alors à la volée sa raquette à terre, il s’écria à la
fureur :
    — Ne me
laissera-t-on jamais en repos ?
    Et nous ayant
lancé à la ronde un regard rancuneux comme si tous ceux qui l’envisageaient,
béants et perclus, avaient été la cause de cette partie perdue, il s’en alla à
grands pas, son valet lui courant après, et sans qu’il pensât même à quérir si
l’Amiral était occis ou seulement navré. Ce que Téligny, secouant de ses deux
mains Yolet, pleurant et gémissant à genoux sur le sol, demanda d’une voix qui
passait à peine le nœud de la gorge :
    — Navré,
dit Yolet entre

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