Paris Ma Bonne Ville
n’y
ait infection et gangrène.
M. de Mazille
acquiesçant sans disputer plus outre tant étaient grandes, et reconnues la
suffisance, l’expérience et la capacité du chirurgien du Roi en fait
d’arquebusades – encore qu’il ne fût pas médecin, n’étant que maître et
depuis peu –, Ambroise Paré demanda s’il était là quelqu’un qui lui pût
faire le récit de l’attentement de meurtrerie, afin qu’il prît quelque idée du
trajet de la balle, telle étant sa méthode avant que de sonder et débrider pour
extraire.
— Moi,
dit M. de Guerchy – ce même beau gentilhomme dont l’Amiral, au conseil,
venait d’accommoder la querelle avec M. de Thiange.
— Parlez,
Guerchy, dit l’Amiral, lequel envisageant M me de Téligny toujours à
genoux à ses pieds et sanglotante, ajouta d’une voix douce :
— Madame
ma fille, pourquoi pleurez-vous ? Il ne se meurt pas un passereau sans que
Dieu l’ait voulut, et n’est-ce pas merveille qu’il m’ait jugé digne de souffrir
pour sa foi ?
— M. le
chirurgien du Roi, balbutia Guerchy qui pleurait à chaudes et cuisantes larmes
comme tous ceux qui étaient là – à savoir, Yolet, le valet de l’Amiral,
Nicolas Muss, son truchement pour la langue allemande, le comte de La
Rochefoucauld, le capitaine de Monins, Téligny, M. de Ferrières, vidame de
Chartres, l’enseigne Cornaton, et le ministre Merlin, lequel ne songeait point
à conforter l’Amiral tant il avait fort à faire à se consoler lui-même du
terrible coup dont son ami et son Église étaient tout soudain navrés.
Cependant,
comme Guerchy en ses pleurs n’arrivait point à trouver sa voix, l’Amiral, calme
et constant, encore qu’aussi pâle que cire, répéta :
— Parlez,
Guerchy.
Et telle et si
grande était l’autorité de l’Amiral sur ses gentilshommes – lesquels le
vénéraient comme le guide envoyé par Dieu pour faire triompher leur
parti – qu’il suffit de ces deux mots pour que Guerchy, refoulant ses
sanglots, se recomposât.
— J’ai vu
de fort près le lâche attentement, dit-il d’une voix ferme assez. Je cheminais
à la dextre de M. l’Amiral, et pour lui témoigner de mon respect, quelque peu
en retrait. En quoi je fis mal, reprit-il avec un accent de douleur, pour ce
que si j’avais cheminé sur la même ligne que lui, je l’eusse couvert de mon
corps.
— Poursuivez,
Guerchy, dit Coligny.
— M.
l’Amiral, en marchant, lisait une lettre et à ce que j’observais, ses mules lui
sortant du pied, il poussait quand et quand du talon pour les faire rentrer,
reculant le corps ce faisant : mouvement de retrait qui lui sauva la vie,
l'arquebusade lui étant tirée à dextre à quelques toises à peine d’une maison
qui s’élève contre le cloître de Saint-Germain l’Auxerrois.
— D’où
fut tiré le coup ? dit Paré.
— D’une
ouverture treillissée, voilée au surplus d’un méchant rideau. Après le coup,
nous y vîmes de la fumée et nous y ruant, l’épée à la main, nous trouvâmes la
pièce vide, mais l’arquebuse encore chaude appuyée contre la fenêtre.
— Où
s’ouvrait cette fenêtre ? dit le chirurgien.
— À
l’étage.
— Adonc,
dit le chirurgien, le coup a été tiré de haut en bas et en oblique, pour ce que
le meurtrier n’a point dû attendre que M. l’Amiral se présentât de profil pour
faire feu. Raison pourquoi M. l’Amiral tenant les deux mains devant soi pour
lire sa lettre, et son corps se retirant tout soudain pour que son talon se
remît dans sa mule, la balle frappa l’index de la main dextre, et plus bas et
en oblique, la base de l’avant-bras senestre. J’opine donc, tenant compte aussi
de la position de la plaie, que la balle se doit encontrer entre le radius et
le cubitus, et juste au-dessus du coude.
Je confesse,
lecteur, que dans les dents mêmes de la male heure qui frappait les miens et
affligé moi-même autant qu’un autre, j’oyais ceci avec ravissement, le médecin
à cette minute l’emportant sur le huguenot. Non que je ne connusse l’importance
qu’Ambroise Paré attachait à la position du corps dans la recherche des
projectiles, ayant lu diligemment son traité fameux sur les arquebusades où il
est dit qu’au siège de Perpignan, le maréchal de Brissac pâtissant d’une balle
reçue dans l’omoplate, seul des médecins présents Paré, ayant imaginé de placer
le patient dans la position où il s’était encontré quand il fut navré,
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