Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
que Giacomi me dit à voix basse :
    — Seigneur médecin, on va
nous courir sus. Je le sens à un petit muscle que j’ai dans la paume droite. Si
cela se fait, combattons tous trois dos à dos, chacun protégeant l’autre. Et,
seigneur médecin, peux-je avoir un de vos pistolets ?
    Je le lui baillai sans mot dire,
il le passa à sa ceinture et tira sa dague de sa main senestre, laquelle dague
était fort longue, elle aussi. Je tirai la mienne et enroulai ma cape autour du
bras qui la tenait, le cœur me toquant fort, mais alors que le moment d’avant,
j’étais de fatigue rompu, tout soudain je me sentis léger et bondissant.
    — Moussu, me murmura Miroul à
ma gauche, il me paraît ouïr des frôlements le long des proches maisons.
    — Oui-da ! dis-je, il va
falloir en découdre. Je le sens aussi !
    Les dix pas qui suivirent furent
parcourus à la façon des chats, le pied pesant à peine sur le pavé, le jarret
ramassé et l’oreille pointée. Car combien que la torche en sa lumière dansante
éclairât fort bien, on ne voyait encore âme qui vive.
    — Dos à dos, seigneur
médecin ! souffla encore Giacomi.
    L’angle de la rue de la
Caussalerie et de la rue de l’Herberie (ainsi nommée parce qu’on y serrait le
foin dont la ville avait besoin pour ses vingt mille chevaux de monte et de
charroi) n’est point droit, mais comme j’ai dit tournoyant et c’est dans ce
tournant que se fit l’assaut.
    — Tue ! tue ! cria
une voix forte, déchirant le silence de la nuit.
    Et tout soudain, une nuée de
gueux, saillant des trous de l’ombre comme autant de rats, fondit sur nous,
l’arme au poing et poussant des hurlades étranges sans aucune peur du guet,
cuidant en avoir fini de nous en une bouchée avant qu’il ne survînt. On se mit
dos à dos, ou plutôt flanc à flanc, puisque nous étions trois, et sans dire un
mot ni même crier à l’aide, sachant fort bien qu’aucun manant ni habitant de la
ville n’oserait même entrouvrir son huis pour nous mettre à l’abri, nous
engageâmes le fer fort roidement avec ces gueux dépenaillés, lesquels puaient,
en outre, à vous faire raquer vos viandes. Giacomi, d’entrée de jeu, en laissa
deux sur le carreau, rien qu’en allongeant le bras deux fois avec une inouïe
promptitude, sa dague cependant parant les coups qu’on lui portait, mais
l’orage refluant sur moi, je ne vis plus rien que les pointes qui me
menaçaient, moins inquiet des épées que je rabattais que d’une longue pique qui
visait ma poitrine sans que je pusse atteindre celui qui la maniait. Mais ayant
navré deux ou trois de ces truands, j’eus le temps de me mettre la dague entre
les dents, de saisir mon pistolet et de faire feu sur le piqueur. Sa lancegaye
tomba sur le pavé et, remettant mon pistolet à la ceinture, je la ramassai
vivement de la main gauche et augurai alors bien mieux de mon combat, tenant à
distance sur ma senestre ceux que mon épée ne pouvait engager. Je ne sus ce que
fit Miroul dans le même temps, mais quand le premier assaut reflua, je vis deux
corps couchés devant lui sur le pavé, signe qu’il avait bien labouré.
    Les gueux, sans nous assaillir
plus outre, ne se retiraient point pour autant, conciliabulant entre eux dans une
étrange parladure où je n’entendais miette. Et certes, les occis ou navrés qui
gisaient tout autour de nous ne laissaient pas de les rendre songeards, sans
compter qu’il n’était plus si facile de nous courir sus étant donné le rempart
que ces corps nous faisaient.
    — Seigneur médecin, me
souffla Giacomi, foin de cette lancegaye, elle vous encombre, rechargez plutôt
votre pistolet. Il vous fera bonne usance quand ces méchants revoudront mordre.
    Je fis comme il avait dit mais ce
faisant, je voulus prendre langue avec ces coquins, ce qui, à défaut d’autres
avantages, nous gagnerait du moins du temps.
    — Mes drôles, m’écriai-je en
l’oc de Montpellier, ne vaut-il pas mieux s’arranger ? Que
quérez-vous ? Mon escarcelle ? Ou le sang de mon cœur ?
    — Vous ayant vu festoyer vos
copains aux Trois Rois, nous n’appétions qu’à la première, cria un gueux
gras et fort assez, qui portait un bandeau noir sur l’œil, mais maintenant,
nous voulons le second aussi. Vous nous avez occis trop d’honnêtes
gojats !
    — Ha ! bonnes gens !
criai-je, ce n’était point malice, mais défense légitime ! Et combien de
vous encore devront gésir, roides sur le pavé, avant que j’y

Weitere Kostenlose Bücher