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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’épaule mais
par bonheur ce n’était que la dextre. Avec une patience inouïe, il avait tressé
la veille sa crinière et sa queue, touffe par touffe avec des rubans de soie
rouge, et rouge aussi était le tapis de selle, et la selle fauve en beau cuir
de porc luisant, fort bien façonné et ouvragé par notre Petromol à Mespech. En
cet équipage, précédé du bedeau Figairasse et des musiciens jouant d’allègres
airs et suivi par les professeurs royaux, les docteurs ordinaires, les
licenciés et bacheliers, tous en robe, et montés qui sur des chevaux, ou qui
sur de paisibles mules, je chevauchais dans les rues les plus belles de
Montpellier parmi un grand concours de peuple, lequel m’applaudissait à
oreilles étourdies comme si j’avais, la veille, terrassé le dragon qui les
terrorisait. On peut bien penser qu’ainsi caressé par le populaire – en cette
même ville où j’avais été odieux à tous pour avoir abrégé le pâtiment de l’abbé
athée Cabassus –, je me paonnais à l’infini sur ma belle Accla, encore que
je n’en laissasse rien voir, gardant la face sereine, immobile et comme
imperscrutable, sauf à donner dans les occasions la contr’œillade aux mignotes
qui, du haut de leurs fenêtres ornées de fleurs, m’envisageaient, toquant des
paumes, d’un air friand.
    Ma chevauchée achevée, je me
rendis au débotté à l’hôtel de Joyeuse, mais de ce qui s’y passa je ne veux
dire mot ni miette, d’aucunes délicates dames qui ont lu la première partie de
ces mémoires s’étant trouvées offensées au plus tendre de leur conscience par
les ébattements que dans le feu de ma remembrance je m’étais laissé aller à
conter. Et encore que j’opine que ces dames ont plus de raison d’être
offusquées par ce qu’elles voient à leurs alentours en la quotidienne vie que
par tout ce qu’elles pourraient lire de plus piquant dans les livres, je tiens
trop à leur amitié pour les meurtrir plus avant.
    À y songer, quelles dents de scie
fait le destin d’un homme ! Promu docteur avec les suprêmes honneurs à
l’issue de mes triduanes, à peu que je ne fusse le lendemain porté en
terre par les couteaux des gueux. À ces meurtreries échappant, me voilà le surlendemain
acclamé ange et héros par la moutonnière multitude. Et le soir même, martyr
heureux, je cueille mes lauriers parmi les blondeurs et les suavités de la plus
haute dame qui fût en Montpellier, laquelle au surplus, ayant ouï de mon bec
mes pertes, tout soudain les conforte. Ha ! La vie n’est qu’un rêve, je le
vois assez, la roche Tarpéienne étant si proche du Capitole et la fortune, à
son gré, nous trantolant de l’une à l’autre.
    Manquait pourtant à mon bonheur
présent mon bien-aimé Samson lequel, à l’Aiguillerie, cette Circé escambillée
tenait serré dans l’enclos de ses membres, sans que le pauvret, délicieusement
glouti, pût échapper à la friande ogresse durant les cinq jours qu’elle passa
en Montpellier sur le chemin de ses dévotions ; et de ces cinq jours,
lecteur, comme je le sus par la Thomassine, ne quittant le lit que pour la
table, et la table que pour le lit.
    Et me faillit, hélas, bien
au-dessus de celui-là, un autre bonheur dont j’espérais merveille en mon fidèle
cœur, comme je dirai plus loin.
    L’escarcelle derechef garnie, je
quittai l’hôtel de Joyeuse tout ému de gratitude pour celle qui en était l’âme,
regagnant mon logis sur mon Accla galopante, Giacomi et Miroul eux aussi montés
et me flanquant, l’épée dégainée, pour ce que Cossolat m’avait avisé de ne plus
cheminer à pied nuitamment par les rues de Montpellier, craignant pour moi
quelque embûche et revanchement de la truanderie.
    À peine étais-je à ma chambre
retiré qu’on toqua à l’huis :
    — Ha ! Giacomi, dis-je
en ouvrant la porte, entre ! Entre ! As-tu demandé à Balsa si on
avait rapporté céans mon bonnet de docteur ?
    — Hélas, seigneur médecin,
dit Giacomi, personne n’est venu. J’en suis bien marri pour vous. Et pour la
perte et pour l’augure.
    — L’augure, Giacomi ?
    — Ne la voyez-vous pas, seigneur
médecin ? dit Giacomi une main sur la hanche et fléchissant sur le jarret
droit comme s’il était pour porter une botte. Elle est cependant
flagrante : si votre bonnet s’est envolé le jour même où vous le reçûtes,
c’est que le sort ne vous destine point à exercer votre état.
    — Ha ! Giacomi !
dis-je, pris

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