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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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des mauvais fils, peu
heureux dedans, plus malheureux dehors.
    — Voilà qui est fort bien,
dis-je avec un sourire, l’envisageant œil à œil ; à tiède papiste,
huguenot peu zélé : accommodons-nous chacun à la vérité de l’autre.
    — Ou à ses erreurs, dit
Giacomi en me rendant mon sourire. Mais, seigneur médecin, que ferai-je
quotidiennement à vos côtés ?
    — Maestro, vous
m’apprendrez les finesses de votre art. Je tire assez mal, comme vous avez pu
observer.
    — Nenni. Pour autant que
j’aie pu voir, à la lueur de cette torche, vous ferraillez à la française, j’entends
à la fureur, à la chaude, et à l’instant, palliant vos fautes par de damnables
retraits du corps et usant du torse entier là où le poignet eût suffi.
    — Ha ! Maestro ! m’écriai-je, voilà qui me peint au vif, aussi grossier et malappris l’épée en main
que cuisinier avec sa broche. Mais patience ! Je serai votre élève
appliqué.
    — Et moi, seigneur médecin,
votre féal, dit Giacomi et me faisant, le geste rondi et gracieux, un de ses
profonds saluts, il ajouta, citant le Dante en sa langue si belle et si
nombreuse :
    — Tu duce, tu signore e tu
maestro [13] !
    — E tu maestro ! m’écriai-je. Mais, Giacomi, poursuivis-je en riant, tu me tutoies !
    — C’est poétique tutoiement,
dit Giacomi avec quelque vergogne, laquelle cependant était par civilité
contrefaite, car c’était l’homme le plus assuré de soi qu’on vît jamais.
    — Giacomi, dis-je, comme ravi
à moi-même par le chaud du moment, et aimant le maestro déjà bien
davantage que je ne saurais dire, j’ai un frère cadet que je chéris prou, et un
aîné que je chéris peu. Voudrais-tu être celui-là non par le sang, mais par
l’élection ?
    À quoi Giacomi s’accoisa un petit
et combien qu’il sourît suavement, je sentis qu’il s’étonnait en son for de ma
française impétuosité et je rougis, le bec quelque peu gelé. Ce que voyant le maestro, et mon embarras devinant, il me prit les deux mains dans les
siennes et me dit avec une courtoise gravité :
    — De tout cœur, seigneur
médecin, si du moins, de cette élection, je me trouve à l’usance être digne.
    Ha ! Giacomi ! J’ai de
cet entretien que je viens de dire un ému pensement tandis que j’écris ces
lignes, tant d’années s’étant effeuillées et flétries dans la poussière du
temps. Et combien que je parusse ce jour-là pécher par prime-saut et suivre
trop promptement ma pente, bien inspiré je fus, à y réfléchir plus outre,
t’ayant trouvé, à la première épreuve, si bellement trempé, d’attacher mon âme
à la tienne par des grappins d’acier.
    Mon autre frère, les cinq jours
que j’ai dits, passés dans cette fournaise ardente, me revint, amaigri et rêveux,
et dormit d’abord vingt-quatre heures à la queue, après quoi il s’abandonna au
désespoir d’avoir péché contre la loi du Seigneur, ayant forniqué hors mariage,
à s’teure battant sa coulpe, tordant les mains, s’arrachant le cheveu de
cuivre, à s’teure parlant sans fin de son ensorceleuse, avec un brillement de
son œil bleu azur, où se voyaient les délices qui l’avaient, à chaque heure,
dévorée sans cependant la rassasier. Car chez d’aucunes le gouffre des
flambantes voluptés est sans fond et quiconque s’y plonge n’en remonte mie.
    — Seigneur médecin, me dit
Giacomi avec un fin sourire, à ouïr les propos de votre beau Samson, il me
vient à l’entendement que cette garce normande est tout juste pareille à ma
garce de Gênes et d’elles deux, on pourrait dire ce que le divin Dante dit de
l’Enfer : Lasciate ogni speranza, voi ch’entrate [14] .
    Cependant, la belle dévote
départie pour Rome, hennissante après les indulgences qu’on y vendait comme
jument après ses avoines, je contai à mon bien-aimé Samson mon combat de la
Caussalerie.
    — Ha ! mon Pierre !
me dit-il en sa grande honte et vergogne, tu courais donc péril de mort et moi
je n’étais pas là, tout ventrouillé dans les dérèglements. Si ces méchants
t’avaient occis, comment m’eussé-je pardonné ?
    — Mais je suis vif, mon
Samson ! Et tu seras avec moi quand je départirai pour Barbentane voir mon
Angelina – avec moi, avec Miroul, avec mon frère Giacomi.
    — Votre frère, Monsieur mon
frère ? dit Samson, son œil azuréen troublé de quelque doutance ou
pâtiment, je ne saurais dire. — Et m’envisageant un petit, il

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