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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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jour.
    — Allons,
prends, point de cérémonies.
    — Ha !
Monsieur, la merci à vous, dit Alizon en me faisant un salut. Je vous garderai
une douce dent de ce gentil cadeau. Et si j'osais à s’teure, je vous baiserais.
    — Baise,
mamie, dis-je en lui tendant la joue, sur laquelle elle piqua un petit poutoune
avant que de s’ensauver, la chandelle à la main, si légère et frisquette que
c’était un plaisir de la voir voleter au bas de l’escalier.
    — Moussu,
me dit Miroul, dès que j’eus refermé l’huis, vous vous êtes fait une amie.
    — Et toi,
dis-je, plus raisin que figue, une autre en Montfort-l’Amaury.
    — Ha !
Moussu, dit Miroul en riant, celle-là, vous me la plaignez encore ?
    — Non
point. Viens au lit, drôle, sans tant languir.
    — Moussu,
non pas. Tout fluet que je suis, je vous gênerais. Je vais dormir sur le
plancher.
    — Nenni.
Il est mal joint. Viens donc. Je le commande ainsi.
    Il m’obéit,
mais vers le milieu de la nuit, me relevant pour tomber de l’eau, je le vis, à
la clarté de la lune, dormant à terre comme il avait dit.
     
     
    Je sommeillai
fort mal sur ce lit fort dur, rêvant que me poursuivaient dans la Grand’Rue
Saint-Denis une horde de moines qui, le coutelas brandi, huchaient à oreilles
étourdies : « Tue l’hérétique, tue ! » tandis que je
pataugeais tout courant dans les boues du pavé, le chef arrosé par les pots de
pisse que me vidaient sus les commères.
    Quand j’ouvris
l’œil, j’étais en eau, le cheveu poissé de sueur et par le fenestrou ouvert,
j’aperçus que déjà poignait le jour, à travers de rouges nuées. Je me levai et,
me levant, toquai du pied contre mon pauvre Miroul qui s’éveillant,
incontinent, saisit le cotel qu’il avait dans sa chausse (car il avait dormi
dans sa vêture) et cria :
    — Qu’est
cela ? Ose-t-on bien s’en prendre à mon maître ?
    Et tant son
rêve était le frère du mien que je m’esbouffai à rire, ce qui me fit grand
bien, et chassa mes fantômes. Et me sentant de nouveau vivace et voltigeant,
j’allai à la tablette incliner le petitet potifime sur le bassin à laver,
lequel j’eusse dû appeler à la mode Recroche « bassinicule » tant il
était chétif, versant assez de ce coûteux liquide pour m’asperger le bec, et
les mains, et les aisselles, et le poitrail. Après quoi, mettant mes chausses,
ma chemise et mon pourpoint, je dis ce faisant à Miroul :
    — Miroul,
va seller nos montures. Comme on dit en notre Périgord, qui se lève tôt, pisse
où il veut. À l’aube, nous aurons la rue à nous, et il nous faudra à la volée
trouver quelque repue, pour pain et viandes gloutir, car j’ai grand-faim.
    — Et
Messieurs vos frères, dit Miroul, dois-je les réveiller ?
    — Nenni. Bene dormit qui non sentit quam male dormiat [23] . Laissons ces loirs s’apparesser
au terrier et saillons du logis. Je t’espère dans l’atelier.
    J’y descendis
et y trouvai Baragran, Alizon et Coquillon, le cul sur le carreau et les
membres épars, et le dos accoté à un coffre, enfouis tous trois dans un endormissement
de sourds dont au bruit de mes pas s’éveilla pourtant Alizon mais d’un œil
seulement et quand elle parla, du quart du bec. De bonnets point, dont
j’augurai que le Maître Recroche avait été les porter à la Baronne des
Tourelles et du regard cherchant ma chandelle, je n’en vis (pas plus que de
l’autre) le moindre trognon, d’où je conclus que le chiche-face les avait mises
sous clef avant que de départir.
    — Ha !
Monsieur, dit-elle, c’est vous ? Je suis tuée et la paupière me pleure.
Qu’eût-ce été sans votre chandelle ?
    — Dors,
dors, gentille Alizon, dis-je, je saille hors pour manger, possédé que je suis
d’une faim canine, n’ayant pas dîné hier soir. Où trouverai-je repue par ce
quartier ?
    — Plusieurs,
mais toutes closes, dit-elle en jetant un œil à la fenêtre. Il est trop tôt.
Cependant, vous allez d’aventure par les rues rencontrer un oublieux qui crie
ses oublies, ou un pâtissier, ses pâtés mais, par la benoîte Vierge, Monsieur,
ne buvez pas l’eau de Seine des porteurs ! C’est venin pour l’étranger,
combien que nous autres, Parisiens de Paris, y soyons accoutumés. (Et toute
exténuée qu’elle fût, vous eussiez cru, à l’ouïr l’énoncer si fièrement, que
« Parisien de Paris » valait un titre de noblesse.)
    — La
merci à toi, Alizon.
    Sur quoi, sa

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