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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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ou
femmes. Quant à Henri d’Anjou – il s’esclaffait –, il est encore plus
femme qu’elle, regarde-le…
    Le frère du roi traversait les salles de bal entouré de ses
mignons, affichant les mines d’une rouée, paré de bagues et de boucles
d’oreilles, des flots de dentelles débordant des manches et du col de son
pourpoint.
    — S’il vient à succéder à son frère, on ne sait s’il
sera reine ou roi, ajoutait Sarmiento. Mais lui – ou elle – au moins
ne veut pas d’une guerre avec l’Espagne.
     
    Je m’étais approché d’Anne de Buisson. J’avais été enivré
par son parfum et j’étais resté un long moment silencieux, incapable de lui
parler, tenté de la prendre par la taille, de la serrer contre moi, d’oublier
ceux qui nous entouraient, dont je devinais qu’ils nous observaient. Nous
devenions sans doute, l’un comme l’autre, suspects : Anne parce qu’elle ne
se détournait pas d’un de ces catholiques de l’entourage de l’Espagnol
Sarmiento, moi parce que j’étais séduit par cette huguenote qui n’était pas
vêtue comme une adepte de la mauvaise secte de Luther et de Calvin, mais qui
n’en était sans doute que plus dangereuse. Et l’on devait se souvenir que je me
nommais Thorenc, comme Guillaume de Thorenc, l’un des conseillers de l’amiral
de Coligny. N’étais-je pas un espion des hérétiques ?
    C’est Anne de Buisson qui a parlé la première.
    — Je ne vous vois plus, m’a-t-elle dit.
    — Vos spadassins me tueraient.
    — Je les ai déjà empêchés de le faire.
    — Venez avec moi.
    Elle a baissé les yeux. Il m’a semblé qu’elle rougissait.
    — Après.
    — Après quoi ?
    D’un léger mouvement de tête, elle a désigné Marguerite de
Valois.
    — Après le mariage avec Navarre ? ai-je demandé.
Elle a souri et s’est éloignée.
     
    Je l’ai revue le jour où Sarmiento m’a invité à affûter mes
lames.
    Elle portait une longue robe noire fermée jusqu’au menton,
et était assise dans l’une des litières qui suivaient Henri de Navarre lors de
son entrée dans Paris.
    C’était le 10 juillet de cette année 1572.
    Henri de Navarre, prince du sang, vêtu lui aussi de noir,
était accompagné par le prince de Condé, son cousin, et l’amiral de Coligny.
    Autour d’eux chevauchaient un millier de gentilshommes
huguenots. C’était comme une vague noire qui déferlait, envahissant les rues
proches du Louvre.
    Le mariage de Henri de Navarre et de Marguerite de Valois
devait être célébré dans un peu plus d’un mois.
     
    J’ai reconnu, caracolant auprès de Coligny et de Henri de
Navarre, Robert de Buisson et mon frère Guillaume. Leurs spadassins Séguret et
Jean-Baptiste Colliard, Blanzac, Pardaillan et Tomanges les entouraient.
    Diego de Sarmiento se tenait près de moi. Il m’avait suffi
d’un regard pour mesurer sa colère. Il serrait les mâchoires, le menton en
avant, l’une de ses mains crispée sur le pommeau de son épée, l’autre sur la
garde de sa dague. Son corps était légèrement penché, comme près de s’élancer.
    Il s’est tourné vers moi.
    — Ils se croient vainqueurs ! a-t-il grogné. Ils
ont toutes les audaces ! Coligny, ce maudit, a osé dire au roi :
« Déclarez la guerre aux Espagnols, Sire, et partez vous couvrir de
gloire ! » Et Charles l’a écouté, sans ordonner qu’on décapite cet
hérétique ! Coligny a même menacé. Keller m’a rapporté qu’il répète
partout, afin que Charles IX sache ce qui l’attend : « Si le roi
renonce à entrer dans une guerre contre les Espagnols, Dieu veuille qu’il ne
lui en survienne pas une autre dans laquelle il ne serait pas en son pouvoir de
se retirer ! »
    Sarmiento a frappé du talon.
    — Ces huguenots traitent le souverain comme s’il était
leur prisonnier. Et ils exigent en guise de rançon une guerre contre
l’Espagne !
    Il m’a fait face, puis, d’un mouvement de la tête et des
épaules, il a montré le cortège des huguenots.
    — Regarde-les, Bernard de Thorenc. Ils sont entrés dans
la nasse. Ils n’y resteront pas longtemps vivants !
     
    Seigneur, qui se souciait vraiment de Vous et de Vos
volontés ?

 
8.
    J’ai su d’emblée que les propos de Diego de Sarmiento
n’étaient pas qu’une prophétie sanglante, un vœu funeste. Je l’ai entendu
haranguer ses spadassins dans la cour de l’hôtel d’Espagne. Il leur parlait
d’une voix hargneuse, éraillée lorsqu’il prononçait le

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