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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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divine ! »
    La foule la suivait. Des hommes portant des oriflammes et
venus de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois allaient à sa rencontre.
    J’étais dans la foule. Je me signai comme elle. Je l’écoutai
dire que le blé pourrissait sur pied parce que Dieu voulait qu’on empêchât ce
mariage maléfique entre Marguerite la catholique et Henri le huguenot.
    Sur ordre du roi on avait brûlé un sorcier et une sorcière
en place de Grève. On les avait surpris à souiller l’eau des fontaines, sans
doute pour le compte des huguenots. Ceux-ci voulaient empoisonner Paris parce
que le menu peuple, les gens de rien, étaient restés fidèles à la vraie
religion.
    Et quelqu’un près de moi récitait :
     
    Dieu fera vengeance
mortelle
    De la
perverse nation
    Et de la gent
fausse et rebelle
    Qui ne tend
qu’à sédition
    Tâchant que
l’Église
    Soit à terre
mise…
     
    « Cela ne se peut pas ! » criait la foule. Et
elle suivait la nonne, qui répétait de sa voix aiguë : « Tue le huguenot
si tu ne veux pas que Dieu tue la ville ! »
     
    Seigneur, Vous ne désiriez pas cela, mais tous, huguenots et
catholiques, volaient Votre parole et parlaient en Votre nom.
    Et moi, je priais pour que Vous protégiez Anne de Buisson,
que Vous me donniez les mots qui la décideraient à quitter cette ville qui
n’était plus qu’une nasse, un guet-apens.
     
    Je me suis arrêté devant le n° 7 de la rue de
l’Arbre-Sec. J’ai eu la sensation que mon corps se couvrait de sueur.
    Depuis quelques jours, la chaleur était si forte et si moite
que la ville déjà semblait pourrir, les murs suinter. Une vapeur malodorante
montait de la Seine, empuantissait les rues, collait à la peau. Je me sentais
sale. À ces odeurs putrides se mêlaient parfois les parfums entêtants des
femmes et des gentilshommes. C’était à vomir.
    Dans cette touffeur, on dressait des échafaudages, on
montait les estrades où devaient se dérouler les fêtes prévues pour le mariage
de Marguerite et de Henri de Navarre.
    Anne de Buisson avait dit : « Après. »
    Ç’avait été pour moi un mot d’espérance qui se convertissait
maintenant en prophétie de malheur.
    Enguerrand de Mons m’avait assuré que le grand Nostradamus,
consulté par Catherine de Médicis, avait confié qu’il voyait dans les jours à
venir des fleuves de sang inonder le royaume de France.
    On massacrerait, et chacun l’espérait, puisque nul n’avait
renoncé à ses projets.
    L’amiral de Coligny recrutait à nouveau des gentilshommes et
des reîtres pour partir aux Pays-Bas venger Robert de Buisson. Mais, selon
Sarmiento, Charles IX n’osait plus le soutenir depuis que le duc d’Albe
avait saisi cette lettre compromettante adressée à l’infortuné Robert.
    Anne savait-elle que son frère était mort de la main des
bourreaux espagnols et catholiques ?
    J’étais pour elle de ce camp-là.
     
    J’ai frappé à la porte du n° 7 de la rue de
l’Arbre-Sec. On a ouvert. J’ai reconnu Jean-Baptiste Colliard. Il pointait un
pistolet sur ma poitrine.
    Derrière Colliard, j’ai deviné dans la pénombre Séguret,
Blanzac, Tomanges et Pardaillan.
    — Tu veux mourir ? a dit Colliard.
    Il a ri, Séguret a bondi et m’a ceinturé.
    J’ai senti sur ma gorge la lame de sa dague.
    J’ai fermé les yeux.
    J’étais entre Vos mains, Seigneur.
    Il y a eu des murmures et j’ai rouvert les yeux.
    Anne de Buisson se tenait devant moi. Elle portait une robe
ample et noire, et ses cheveux étaient dissimulés sous une coiffe blanche.
    Son visage amaigri et sa peau pâle m’ont ému.
    J’ai vu sa main se lever, saisir le poignet de Séguret, le
forcer à écarter sa lame de mon cou.
    — Robert vous avait donné la liberté, a-t-elle murmuré.
Il croyait au Christ. Ils l’ont torturé. Ils lui ont brisé les genoux et les
bras, puis l’ont étranglé.
    Elle s’est tournée vers Jean-Baptiste Colliard.
    — Qu’on le laisse partir, a-t-elle ordonné.
    On m’a poussé vers la porte que Séguret a ouverte.
    — Vous devez quitter la ville ! ai-je crié. Avant, avant le mariage…
    On m’a jeté dans la rue de l’Arbre-Sec.
    Je suis resté longtemps couché comme un mort sur le pavé, là
où j’étais tombé, parmi les détritus, dans l’accablante chaleur.

 
9.
    Je n’ai plus revu Anne de Buisson jusqu’à ce crépuscule
rouge du dimanche 17 août 1572, le jour des fiançailles de Marguerite de
Valois et de Henri de

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