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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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    — Il ne blasphémera plus longtemps ! La reine
Catherine pense comme nous, Bernard. Elle le veut mort !
     
    J’entendais dans le propos de Sarmiento le cri aigu des
lames qu’on affûte. Il me fallait retrouver Anne avant qu’on ne les brandisse,
qu’on ne les enfonce dans le corps de ces hommes qui – Seigneur,
vouliez-Vous donc les aveugler ? – dansaient.
    Ce n’étaient jour après jour que divertissements, musiques
et bals, défilés de chars, de roches artificielles et argentées. Dans la cour
de l’hôtel de Bourbon, il me semblait voir s’animer les enluminures qui
illustraient La Divine Comédie, ce livre de Michele Spriano dont je ne
m’étais plus jamais séparé.
    D’un côté, le paradis et ses nymphes ; de l’autre, le
Tartare, ses spectres et ses furies. Ce n’étaient qu’un décor et un jeu. Mais
Henri de Navarre et ses gentilshommes étaient repoussés en enfer par le roi et
ses frères, et seul Cupidon sauvait les huguenots du châtiment éternel.
    On riait. On se congratulait. Le décor s’embrasait. C’était
la fête.
    Moi, j’y voyais une préfiguration de l’avenir. Celui des
huguenots, qui n’avaient le choix qu’entre le retour dans le giron de la sainte
Église ou la damnation.
     
    Je m’éloigne.
    Je cherche toujours Anne de Buisson.
    Je ne vois que femmes parées, couvertes de perles, et
gentilshommes aux atours de satin, portant boucles et bijoux, tandis qu’au
milieu du chatoiement des étoffes et des pierres précieuses paradent des
gentilshommes huguenots dans leurs vêtements noirs.
     
    J’entre dans la cour du Louvre, ce jeudi 21 août, alors
qu’un nouveau crépuscule sanglant a recouvert le ciel.
    Je vois les estrades et les lices. On se prépare à un
tournoi.
    Seigneur, avez-Vous donc effacé de leur mémoire la mort de
Henri II, cette esquille de bois plantée dans l’œil et le crâne du
souverain ?
    Je me souviens, moi, d’Anne de Buisson, qui avait défailli et
que je dus porter dans mes bras jusqu’à l’hôtel de Ponthieu.
     
    Les trompettes sonnent.
    Voici Charles IX et ses frères, Henri d’Anjou et
François d’Alençon. Le duc de Guise, Henri le Balafré, les accompagne.
    On s’exclame, on applaudit. Ils brandissent leurs lances
mais sont enveloppés de dentelles, de soie et de satin, déguisés en Amazones.
    À l’autre extrémité de la lice apparaissent Henri de Navarre
et les gentilshommes huguenots vêtus comme des Turcs, avec de grands turbans
verts et des pantalons bouffants.
    Seigneur, Vous les avez bel et bien aveuglés !
    Comment ces huguenots ne devinent-ils pas que leur sort est
annoncé par le déguisement qu’on leur a imposé ?
    Il ne s’agit que d’une parodie de guerre, mais eux sont les
infidèles, ceux qu’il faut combattre et tuer.
    Seigneur, j’ai su dès cet instant que Vous les aviez
abandonnés.
     
    Je me glisse entre les bancs de l’estrade parmi les
suivantes de Catherine de Médicis et de Marguerite de Valois devenue épouse de
Henri, roi de Navarre.
    Je vois s’avancer vers moi Anne de Buisson. Elle ne baisse
pas les yeux, s’approche à me toucher.
    — Pourquoi vouliez-vous que je parte avant  ?
murmure-t-elle.
    Elle montre la lice. Les Amazones et les infidèles se
donnent l’accolade sous les applaudissements. Charles IX embrasse Henri de
Navarre, huguenot mais prince du sang, héritier du trône de France.
    Je serre les poignets d’Anne de Buisson et lui montre le
ciel.
    Elle lève la tête, comme moi, vers cette immense marée
écarlate qui surplombe la fête.
    — Ce sont des jours de sang qui s’annoncent, lui
dis-je.
    Elle libère ses poignets, prend ma main et m’entraîne.
    — Nous sommesd’ après, répond-elle.
    Nous quittons l’estrade.
    Le palais du Louvre est un labyrinthe obscur et désert.
    Je crois bien que nous nous y sommes perdus.

 
DEUXIÈME PARTIE

 
10.
    Vico Montanari était arrivé à Paris le samedi 16 août
1572 et avait aussitôt voulu rencontrer Bernard de Thorenc.
    Il était sûr que celui-ci pourrait le renseigner sur ce qui
se tramait. N’était-il pas au service de l’Espagne, proche de Diego de
Sarmiento, l’envoyé de Philippe II auprès du roi de France, et son frère
Guillaume comme sa sœur Isabelle n’étaient-ils pas des huguenots de l’entourage
de cet amiral de Coligny dont on disait à Venise qu’il avait beaucoup
d’influence sur Charles IX ?
    Ce qui ne laissait pas d’inquiéter le doge et le

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