Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
à
nouveau immobilisée.
    Un prêtre porté par deux hommes brandissait un crucifix et
haranguait la populace.
    Montanari s’était penché hors de la voiture. Il avait vu des
visages déformés par la haine, des poings brandis à chaque fois que le prêtre
accusait les huguenots d’empoisonner l’âme du roi, d’user de subterfuges et de
mixtures, d’envoûtements et de magie pour obtenir de lui ce qu’il aurait refusé
s’il avait été libéré de cette maléfique influence.
    — Tuons-les tous ! avaient braillé des hommes dans
la foule.
    D’autres avaient hurlé qu’il fallait arracher le roi aux
démons qui le retenaient captif. Qu’on pende Coligny, Thorenc, tous ces hommes
noirs qui avaient envahi Paris ! Qu’on les égorge, qu’on les brûle, qu’on
les écartèle, eux, leurs femmes et leurs enfants ! Qu’on nettoie Paris de
cette vermine huguenote !
    — Dieu exprimera Sa joie si les hérétiques sont
châtiés ! avait lancé le prêtre. Tous vos péchés seront effacés !
    On l’avait acclamé.
    La voiture avait enfin pu recommencer à rouler et Montanari
avait pu contempler l’eau noire du fleuve qui paraissait immobile. Des
détritus, des cadavres gonflés de rats, de chiens et même celui d’un mouton
formaient autour des piles du pont des couronnes qu’aucun courant ne semblait
entraîner.
    Le Vénitien en avait eu la nausée.
    Il avait porté un mouchoir parfumé à son visage et ne l’en
avait plus retiré, le gardant même dans la cour et les couloirs de l’hôtel de
Venise, répondant par des hochements de tête à un secrétaire qui le recevait
avec déférence, lui faisait apporter une carafe de vin frais, italien,
pétillant.
    Alors seulement Montanari avait renfoncé son mouchoir dans
sa manche.
    Il avait bu lentement, gardant longtemps sur ses lèvres la
mousse violacée du vin. Et lorsque le secrétaire, un jeune homme aux cheveux bouclés,
aux traits fins, lui avait dit se nommer Leonello Terraccini, Montanari s’était
souvenu de la Marchesa, des blessés couchés sur le pont de la galère,
des mourants dont le sang bouillonnait dans la bouche, couvrant leurs lèvres.
    — Terraccini…, avait-il répété.
    C’était le nom de ce sculpteur qui avait combattu à leurs
côtés à bord de la Marchesa. En bondissant sur le pont de la galère
musulmane, Bernard de Thorenc avait réussi à arracher aux janissaires cette
tête de christ aux yeux clos, tranchée par les infidèles et brandie comme un
signe de victoire.
    — Benvenuto Terraccini ? Mon frère aîné, avait
indiqué le secrétaire.
    Montanari était resté un long moment silencieux, effaçant du
bout des doigts le vin resté sur ses lèvres.
    Ici aussi, avait-il pensé, le sang allait donc couler.
     
    Il se mit à arpenter la pièce sombre.
    Il voulait rencontrer dès aujourd’hui Bernard de Thorenc,
dit-il.
    Celui-ci logeait à l’hôtel d’Espagne, à quelques pas de la
rue des Fossés-Saint-Germain, répondit le secrétaire.
    — Bien, bien, murmura Montanari.
    Il croisa les bras et dévisagea le jeune homme. Il se
remémora les années qu’il avait passées dans ce même hôtel de Venise aux côtés
de l’ambassadeur Orlandi. Les ans avaient fui. Les rôles avaient changé. Il
était à présent l’ambassadeur.
    Il indiqua d’une voix forte qu’il fallait mettre en place un
service quotidien de courriers. Le Conseil des dix et le doge exigeaient un
rapport quotidien. Le premier partirait le lendemain, puisque les fiançailles
seraient célébrées ce dimanche 17 août.
    Il se dirigea vers la cour. Le secrétaire lui avait emboîté
le pas, mais Montanari le renvoya.
     
    Dans ce quartier du Louvre qu’il connaissait bien pour en
avoir souvent arpenté les rues, jadis, avec Orlandi, il fut surpris par le
nombre de gentilshommes huguenots. Ils étaient assemblés devant certaines
demeures, comme au 7 de la rue de l’Arbre-Sec, au coin de la rue de Béthisy,
gardant l’hôtel de Ponthieu. Ils parlaient haut, défiaient les passants du
regard ou du geste, s’approchaient d’eux, exhibant la lame de leur épée ou
celle de leur dague. Ils ricanaient, juraient et, parfois, de la pointe de
leurs armes, obligeaient même un passant à s’écarter.
    Montanari ne s’attarda guère.
     
    Il fit un détour pour éviter d’avoir à traverser ces
groupes. Il aperçut les échafaudages dressés contre la façade de Notre-Dame.
Des charpentiers s’affairaient, posant des passerelles.

Weitere Kostenlose Bücher