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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Seigneur, pour lui et pour moi.
    Et puis j’ai reculé d’un pas.
    Mort-Dieu !
    Vous m’aviez infligé la plus humiliante, la plus inattendue
des souffrances ! Que pouvais-je craindre de l’enfer ? J’étais déjà
au fond de l’abîme, le corps broyé, écorché vif.
    Celle que j’aimais, celle que Vous aviez mise sur ma route,
à qui j’avais sauvé la vie – ce que Vous aviez permis, Seigneur –,
respirait à présent la puanteur de l’hérétique, qu’il fut roi de Navarre ou mon
propre frère !
    Qu’avais-je à attendre de Vous, mort-Dieu ?
    Elle l’avait dit, cette putain blonde, cette
huguenote : Dieu choisit les hommes qu’il veut sauver.
    Mort-Dieu, Vous ne m’aviez pas élu ! Vous me replongiez
le visage dans la fange !
    J’ai cherché mon cornet à poudre. J’ai armé mon pistolet.
Mais l’amorce était trempée par cette pluie qui n’avait pas cessé.
    Vous vouliez donc que ce cheval agonise, qu’il soit la proie
des loups qui viendraient le flairer, le déchiqueter encore vivant !
    C’était cela, le monde, mort-Dieu !
    J’ai tué mon cheval en lui tranchant la gorge et le sang a
jailli, me couvrant les mains, chaud, brûlant même.
    Mort-Dieu, c’était cela, la vie !
    Point de paix ! Point de pitié ! Point d’entente
entre sujets du même royaume ! Mais la guerre !
    Qu’ils crèvent tous, mort-Dieu !
     
    J’ai vécu la tête pleine de ces pensées durant des mois et
même des années.
    Vico Montanari s’étonnait. Je refusais de rencontrer Michel
de Polin, qui continuait d’espérer que Henri de Navarre et Henri III
firent alliance pour établir la paix dans le respect des religions de l’un et
de l’autre. N’étaient-elles pas toutes deux issues de l’enseignement du
Christ ?
    « Ne vaudrait-il pas mieux ouïr cinq cents messes tous
les jours ou cinq cents lectures de la Bible, que d’allumer une guerre
civile ? » disait Michel de Polin.
    Je ricanais lorsque Montanari me rapportait ces propos.
    J’avais vu le porc de Navarre entouré de ses truies,
qu’elles eussent pour noms Anne de Buisson, la Petite Fosseuse, la comtesse de
Guiche ou la reine Margot, sans oublier toutes ces autres, servantes et
paysannes, châtelaines et suivantes, filles vierges ou épouses rouées.
    J’étais son ennemi.
    Qu’on le tue ! Qu’ils crèvent tous !
    Le père Veron ne prêchait-il pas que le devoir de tout catholique
était de livrer à Dieu le corps mort de l’hérétique ?
    J’étais de cet avis.
    Diego de Sarmiento me serrait contre lui.
    — Tu es de Castille ! se rengorgeait-il.
    Il m’envoya auprès de Henri le Balafré, duc de Guise, lui remettre
les milliers de doublons que lui offrait Philippe II pour lever des
troupes qui, le jour venu, pourraient servir les desseins de l’Espagne, vaincre
l’armée huguenote et porter sur le trône de France un roi décidé à soutenir la
politique espagnole, en lieu et place de ce Henri III qui balançait comme
une femme.
    Je déposai devant Henri de Guise les sacs remplis de pièces
d’or.
     
    J’approuvais Diego de Sarmiento, Enguerrand de Mons, les
pères Verdini et Veron quand ils s’indignaient des propos tenus par
Henri III à ses mignons.
    Le frère de Henri III étant mort, c’était désormais
Henri de Navarre qui se trouvait être l’héritier du trône.
    J’imaginais déjà les bals et les banquets donnés au Louvre,
mon frère Guillaume s’avançant vers le nouveau souverain, accompagné de son
épouse, Anne de Buisson.
    Mort-Dieu, n’avais-je donc vécu que pour assister à
cela ?
    Que pour entendre Henri III dire, en tendant ses mains
baguées vers le feu de la cheminée :
    — Je reconnais le roi de Navarre pour mon seul et
unique héritier. C’est un prince bien né et de bon naturel. Mon naturel a
toujours été de l’aimer et je sais qu’il m’aime. Il est un peu colère et
piquant, mais le fond en est bon. Je m’assure que mes humeurs lui plairont et
que nous nous accommoderons bien ensemble…
    Il fallait à tout prix empêcher cela !
     
    J’assistais à des conciliabules secrets entre le duc de
Guise, Diego de Sarmiento, Enguerrand de Mons, les pères Veron et Verdini, et
quelques autres gentilshommes. On y parlait à voix basse, mais parfois
quelqu’un s’écriait : « Ils nous égorgeront ! Ils se vengeront.
Ce sera une Sainte-Barthélemy des catholiques, le peuple le sait. Il ne veut
pas de ce roi huguenot ! »
    On décida de distribuer des

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