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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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et
particulièrement à la France… ».
    Sarmiento se tournait vers moi, paumes ouvertes, et me
remontrait qu’on ne tuerait point Henri de Navarre dans une alcôve, ou
déculotté dans une grange ! Ni dans un tournoi comme le Béarnais l’avait
lui-même proposé à Henri de Guise, le défiant de l’affronter en duel singulier
ou bien avec une troupe choisie de quelques gentilshommes. (Je m’étais aussitôt
proposé pour être l’un de ceux qui porteraient les couleurs du Balafré, des
catholiques contre le roi huguenot, mais Guise avait décliné cette offre.)
    Et la mort ne venait pas, même si la guerre se préparait.
     
    Je l’attendais avec des ribaudes que Diego de Sarmiento et
moi troussions à l’hôtel d’Espagne pour quelques écus.
    Je buvais, forniquais jusqu’à ce que la petite mort du
plaisir et l’ivresse m’ensevelissent sous le voile noir du sommeil.
    Je ne laissais ainsi, Seigneur, aucun doute m’envahir.
    Le matin venu, je pouvais, encore titubant, m’assurer que les
bourgeois de la Sainte Ligue et les prêtres qui les commandaient avaient appris
le maniement des arquebuses, se tenaient prêts, s’il le fallait, à défendre
chaque rue de Paris.
    Ils avaient déjà accumulé des barriques et les avaient
remplies de sable afin de les rouler au milieu de la chaussée, le moment venu,
et de les y amonceler pour rendre impossible le passage des troupes, celles de
Henri III et de Henri de Navarre, qu’ils harcèleraient depuis leurs
fenêtres.
     
    Je rentrais à l’hôtel d’Espagne.
    Parfois, je m’arrêtais à celui de Venise, et, cependant que
Vico Montanari ou Michel de Polin m’entretenaient, je regardais cette porte
derrière laquelle avait vécu Anne de Buisson, et me reprochais de n’être pas
venu la forcer.
    Je valais bien un prince aux affreuses odeurs de l’aile et
du pied, et aussi bien mon frère !
    Je me tournais vers Montanari et Michel de Polin, les
interrompais, les informais que nous avions appris que la reine Margot, qui
risquait d’être un jour reine de France si Henri de Navarre venait à succéder à
Henri III, s’était enfuie, enlevée en croupe par un petit gentilhomme
qu’elle avait séduit, et lorsque son mari l’avait reprise et enfermée elle
s’était offerte au geôlier pour s’échapper à nouveau.
    — La reine Margot ?
    Je ricanais.
    — Margot la Ribaude, Margot la Débauchée, Margot la
Putain, comme toutes celles qui respirent le fumet de Henri de Navarre !
     
    Michel de Polin s’emportait : il se moquait de savoir
combien de jupons avait troussés Henri de Navarre et combien de gentilshommes
la reine Margot avait vus se déchausser.
    Que le Béarnais puât de l’aile et du pied, c’était affaire
de nez, et non de politique.
    Henri de Navarre n’en était pas moins l’héritier légitime de
la couronne et tous ceux qui s’opposaient à cette perspective – il tendait
le bras vers moi pour les énumérer : les Guises, les Espagnols, les
bourgeois de cette Sainte Ligue… – écartelaient le royaume, ruinaient la
France et favorisaient l’Espagne.
    Il arrivait de Lyon, avait parcouru les provinces. Il avait
vu les bandes de paysans affamés couper, sur les terres, les épis de blé à demi
mûrs et les manger à l’instant pour assouvir une faim effrénée.
    — Le peuple meurt d’avoir le ventre vide, disait-il. Il
veut continuer de prier dans ses églises, devant ses saints, mais il veut
d’abord qu’on lui remplisse la panse, qu’on lui donne du grain à semer pour
qu’il puisse récolter du blé à la prochaine saison. Car il a mangé ses
semences !
    Il se levait, allait jusqu’à la fenêtre, montrait la rue des
Fossés-Saint-Germain, m’invitait à le rejoindre, à voir ces mendiants, ces
misérables, ces gens du néant qui avaient quitté leurs campagnes parce qu’ils y
crevaient de faim.
    — Le royaume a besoin de paix et d’ordre, donc d’un
souverain légitime, et non de princes qui se sont vendus à l’Espagne, qui
s’enrichissent des doublons que leur verse Philippe II et qui ont forcé le
roi Henri à mettre en vente à leur profit les biens des hérétiques.
    Il était revenu s’asseoir en face de moi.
    — Vous le savez, Thorenc, pour eux la religion n’est
qu’un moyen de plus d’arrondir leurs possessions, leur fortune, et demain
s’emparer du trône. Peu leur importe de servir ainsi l’Espagne plutôt que la
France.
     
    Je ricanais. Il avait sans doute raison. Mais

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