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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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une nuit. Ils ont voulu nous brûler,
entassant le foin et le bois contre les murs. Mais la pluie a éteint les feux
et elle n’a pas cessé de plusieurs jours. Nous nous sommes défendus. La
maîtresse disait que vous alliez venir avec une troupe, et qu’il fallait
résister, qu’ils seraient chassés et pendus. Ils étaient comme fous. Ils ont
d’abord égorgé les moutons, les porcs, les vaches. Puis ils ont tué tous les
chiens et ont jeté leurs cadavres dans la cour, et ç’a été un tourbillon de
mouches si nombreuses qu’elles cachaient le ciel. Nous avons commencé à manquer
de poudre, de balles et surtout d’eau. Or il en fallait pour votre fils. La
maîtresse nous a réunis. Elle a dit que c’était elle qu’ils réclamaient,
qu’elle allait se livrer et qu’elle leur apporterait l’or, les bijoux qu’elle
possédait. Ainsi ils lèveraient le siège du Castellaras de la Tour et ne
toucheraient pas à un cheveu de l’enfant.
    — Ils sont las. Ils accepteront, a-t-elle dit. C’est
moi qu’ils veulent. Moi – et la rapine.
    — Tous, a continué Denis, nous l’avons suppliée de ne
point se livrer. Ces hommes-là, pillards et égorgeurs, ne respectent pas leur
serment. Ils la détrousseraient, la violeraient, puis la tueraient et ne
lèveraient jamais le siège.
    C’étaient des chiens errants, non des hommes de religion.
Ils étaient pires que des loups, ne laissant pas un lambeau de chair sur leur
proie et leur brisant même les os d’un coup de mâchoires pour se repaître de la
moelle. Ces profanateurs ne répugnaient pas à déterrer des cadavres pour
s’emparer des bagues et des colliers. Ils l’avaient fait, ils l’avaient
fait !
    Anne de Buisson avait paru ne pas entendre. Elle avait
dit : « Ils me connaissent. Ils m’attendent. Ils me veulent. »
    — Elle paraissait sûre d’elle et sans peur, et à la fin
nous nous sommes tus, a murmuré Denis. Elle s’est recueillie dans la chapelle,
gardant longuement son fils serré contre elle, puis elle est sortie, vêtue de
noir, avec une coiffe blanche, comme la plus huguenote des huguenotes, tenant
dans ses bras ses coffrets à bijoux.
    Denis le Vieux a branlé du chef.
    — Ils l’ont entourée. Ils ont crié. Mais ce n’était pas
de la haine. Et ils sont partis avec elle qui chevauchait à leur tête. Elle ne
s’est pas retournée.
     
    On dit que des louves parfois pénètrent dans les chenils
pour mettre bas. Elles demeurent quelques jours parmi les chiens, nourrissent
et lèchent leur portée à l’abri du froid, des bergers et des chasseurs. Puis,
une nuit, elles bondissent par-dessus l’enclos et s’en vont rejoindre la meute,
et leurs petits, qu’elles abandonnent, deviennent les plus aguerris des chiens.
Mais elles, elles égorgent les troupeaux comme par plaisir…
    J’ai pensé qu’Anne de Buisson était l’une de ces louves
quand j’ai appris qu’une bande ayant à sa tête une femme attaquait les villages
et les châteaux de la Haute-Durance sans se soucier de savoir s’ils étaient
huguenots ou catholiques, fidèles de Henri IV ou de la Ligue. Ils
pillaient. Ils massacraient.
    De grande beauté, la femme était la plus cruelle, tailladant
les seins des prisonnières, tranchant le sexe des malheureux qui n’avaient
réussi ni à fuir ni à mourir.
     
    Seigneur, malgré ces traces de sang qu’elle laissait
derrière elle et ces corps d’enfants à demi consumés qu’on trouvait dans les
maisons incendiées, parfois aussi sur des bûchers dressés sur les places, je
n’ai pu la maudire.
    Il me semblait qu’elle agissait ainsi pour entraîner loin du
Castellaras de la Tour les égorgeurs qui l’avaient choisie pour capitaine.
Qu’elle était cruelle par désespérance, pour attirer sur sa troupe les foudres
de la vengeance.
    C’est ainsi qu’un jour, sur un charroi arrêté devant la
poterne du Castellaras de la Tour, j’ai vu sa dépouille, nue, un pieu enfoncé
dans la bouche, un autre dans son sexe. Les paysans qui l’avaient tuée
l’avaient jetée sur les dalles de l’entrée comme un gibier de choix. Les
chiens, autour d’elle, hurlaient à la mort.
    Je l’ai rendue humaine et j’ai longtemps contemplé son corps
et son visage apaisés, puis je l’ai couverte d’un large manteau bleu.
    Et j’ai voulu, Seigneur qu’on l’ensevelisse dans notre
chapelle aux côtés du tombeau de Michele Spriano.
    Quand ils l’ont su, les paysans qui me l’avaient livrée se
sont

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