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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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malheur sur mon
fils, et j’ai eu la certitude qu’il fallait que je m’éloigne de lui.
    J’avais remarqué que lorsque je l’effrayais et que, tout à
coup, il se détournait et s’enfuyait, seule la présence d’une jeune paysanne
italienne, Margherita, le calmait.
    Elle le berçait, le caressait, l’endormait.
    Anne de Buisson lui avait confié l’enfant dès le lendemain de
sa naissance. Je l’ai observée : elle avait une beauté et une bonté
rondes, à l’instar de son visage et de son corps.
    Je l’ai vue souvent, agenouillée devant Vous, Seigneur, le
front posé sur ses mains nouées. Je ne pouvais détacher les yeux de ses larges
épaules, de sa nuque que j’apercevais sous sa coiffe.
    J’ai pensé qu’elle pourrait être, pour mon fils Jean,
l’Égypte.
     
    Je l’ai appelée un matin, alors que Jean dormait. Je lui ai
montré la grande chambre où je dormais.
    — Ce sera la tienne, lui ai-je dit. Tu vivras ici avec
Jean. Sa mère est morte. Remplace-la.
    J’ai tendu les bras vers sa poitrine. J’ai effleuré ses
seins qui gonflaient sa robe de toile épaisse et grise.
    Elle s’est agenouillée devant moi, secouant la tête,
murmurant :
    — Non, non.
    — Tu ne veux pas ?
    — Jean, oui, a-t-elle chuchoté.
    J’ai baissé les bras. J’avais honte de mes instincts, de mon
désir, de la folie qui pouvait naître de ma mémoire.
    J’avais peur de moi, de la passion que j’éprouvais pour mon
fils.
    — Aime Jean mieux que je ne pourrais le faire. Je ne te
demande rien d’autre.
     
    J’ai quitté le Castellaras de la Tour sans revoir mon fils.
Mieux valait que sa main fût serrée par celle d’une femme qui n’avait jamais
été souillée par le sang des hommes.

 
CINQUIÈME PARTIE

 
37.
    J’ai retrouvé la cruauté des hommes.
    Nous avancions dans le brouillard qui recouvrait les
vallées, les marais, les prairies et les collines de la région de Dieppe. C’est
là, au château d’Arqués, que j’avais rejoint, en cette fin de septembre 1589,
l’armée de Henri, quatrième du nom, roi de France et de Navarre.
    J’ai entendu sa voix forte aux accents béarnais nous jurer,
dans la cour du château, que nous allions en quelques jours en finir avec
l’armée du dernier des Guises, le duc de Mayenne.
    Henri IV s’est dressé sur ses étriers, silhouette floue
dans le brouillard.
    — Les portes de Paris s’ouvriront devant nous !
a-t-il lancé.
    De cette masse sombre de cavaliers, de fantassins, de
Suisses, des cris se sont élevés : « Saint-Barthélemy,
Saint-Barthélemy ! »
    Et j’ai frissonné.
    Michel de Polin s’est penché vers moi et s’est accroché à
mon épaule, nos chevaux flanc contre flanc.
    Ses amis du parlement de Paris qui avaient réussi à fuir la
capitale lui avaient raconté qu’à Paris on était si sûr de la victoire du duc
de Mayenne qu’on louait à prix d’or les fenêtres de la rue Saint-Antoine afin
de pouvoir assister à son triomphe ; et on disait aussi qu’il avait déjà
fait construire la cage dans laquelle croupirait Henri l’hérétique, le huguenot
relaps, le roi illégitime, complice du misérable Henri III !
     
    Les hommes savent haïr. C’est ainsi qu’ils cessent d’être
des enfants !
    J’écoutais Séguret et Jean-Baptiste Colliard pendant que
nous chevauchions le long des petites vallées qui irriguent la campagne entre
le château de Dieppe, celui d’Arqués et les hauteurs dominant les berges de
l’Aulne et de la Béthune. J’avais l’impression de n’avoir jamais vu leurs
visages couturés, leur peau tannée, ni leurs mains ainsi crispées sur la crosse
de leur pistolet ou le pommeau de leur épée. Ils tendaient le bras, me
montraient les fantassins anglais qui venaient de débarquer au nombre de quatre
mille. Ceux-là, avec les Suisses et les arquebusiers, les cavaliers, allaient
assurer, disaient-ils, la victoire de la cause, de la rébellion contre les
papistes du duc de Mayenne.
    Je m’étonnais : j’avais cru que Henri se préparait à
abjurer. Séguret et Colliard m’assuraient au contraire qu’il avait, avec eux,
écouté le prêche des pasteurs, la lecture de la Bible, et que jamais il ne
renoncerait à sa foi. Au reste, pourquoi abjurer si l’on était victorieux des
catholiques ? On allait l’être, et le royaume serait huguenot !
    Les hommes sont des outres de duplicité et
d’hypocrisie !
    Nous franchissions la vallée de l’Aulne, protégés par

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