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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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transpercé de coups d’épée et brisé de l’assassin que les gardes du roi
avaient frappé de leurs lames avant de le précipiter par la fenêtre de la
chambre.
    C’était ce dominicain, ce Jacques Clément, au visage
ensanglanté, car le monarque l’avait frappé au visage avec le couteau qu’il
avait arraché de sa plaie au ventre, criant : – Ah, méchant, tu m’as
tué ! Ce moine n’était plus qu’une défroque maculée.
     
    Dans la chambre, le roi, le front blanc couvert de sueur, se
tient les entrailles à deux mains.
    Henri de Navarre s’approche. Je le suis parmi la foule de
gentilshommes éplorés.
    Les chirurgiens entourent Henri III et je lis, sur
leurs visages qui se voudraient impassibles, que la mort est à l’œuvre, qu’elle
creuse le corps royal, qu’ils le savent et le taisent.
    J’entends la voix haletante du roi, auquel Henri de Navarre
a baisé les mains.
    — Mon frère, dit-il, voyez comme vos ennemis et les
miens m’ont traité !
    Il s’arrête, sa tête retombe. Sa respiration est rauque.
    J’ai entendu de si nombreux râles, sur le pont de la Marchesa ,
dans la rue des Fossés-Saint-Germain, en tant d’autres lieux sanglants, que je
reconnais cette plainte funèbre.
    — Il faut que vous preniez garde qu’ils ne vous en
fassent autant, reprend-il.
    Il tousse, les mains à nouveau posées sur son ventre.
    — Mon frère, continue-t-il, je le sens bien, c’est à
vous de posséder le droit auquel j’ai travaillé pour vous conserver ce que Dieu
vous a donné. C’est ce qui m’a mis en l’état où vous me voyez. Je ne me repens
point, car la justice de laquelle j’ai toujours été le protecteur veut que vous
succédiez après moi à ce royaume dans lequel vous aurez beaucoup de traverses,
si vous ne vous résolvez point à changer de religion.
    Il se redresse.
    — Je vous y exhorte autant pour le salut de votre âme
que pour l’avantage du bien que je vous souhaite.
    Il lève la main et, d’un lent mouvement, trace un
cercle :
    — Messieurs, dit-il, approchez et écoutez mes dernières
intentions sur les choses que vous devez observer quand il plaira à Dieu de me
faire partir de ce monde… J’ai été contraint d’user de l’autorité souveraine
qu’il avait plu à la Divine Providence de me donner sur mes sujets rebelles
pour éviter la subversion générale de cet État. Mais comme leur rage ne s’est
terminée qu’après l’assassinat qu’ils ont commis en ma personne, je vous prie
comme mes amis, et vous ordonne comme votre roi, que vous reconnaissiez après
ma mort mon frère que voilà, que vous lui ayez la même affection et fidélité
que vous avez toujours eue pour moi, et que, pour ma satisfaction et votre
propre devoir, vous lui prêtiez serment en ma présence…
    Je vois les larmes couler sur le visage de Henri de Navarre.
    J’entends les sanglots des gentilshommes. Ils jurent fidélité
au roi de Navarre, et disent au mourant qu’ils obéiront à ses commandements.
    Je pleure aussi, appuyé à l’épaule de Michel de Polin, qui
murmure :
    — Dieu nous donne un nouveau roi. Que la paix soit avec
lui !
    C’est la nuit, le silence. On prie. On dit la messe. Le roi
se confesse.
    Tout à coup, sa voix pourtant si faible, enrouée, hésitante,
impose silence.
    — Je n’y vois plus, dit-il. Le sang va me suffoquer.

 
34.
    « Illustrissimes Seigneuries,
    Le roi Henri III est mort, la bouche pleine de sang et le
boyau percé par le poignard du moine Jacques Clément.
    J’étais le seul ambassadeur présent à Saint-Cloud, dans
cette demeure où Henri III a trépassé, le 1 er  août 1589.
    J’ai entendu les sanglots des proches qui, autour du lit
royal, prêtèrent serment, à la demande du souverain agonisant, au huguenot
Henri de Bourbon-Navarre qu’il avait désigné comme son héritier. Mais aucun
d’eux n’a crié, comme le veut la coutume : “Le roi est mort ! Vive le
roi !”
    Plusieurs de ces gentilshommes, fervents catholiques, sont
venus vers moi en se tordant les mains, en jetant leurs chapeaux à terre, en me
demandant de faire connaître à Vos Illustrissimes Seigneuries de notre
république, mais aussi aux autres princes italiens et à Sa Sainteté le pape,
qu’ils préféraient “mourir de mille morts et se rendre à toutes sortes
d’ennemis plutôt que de souffrir un roi huguenot”.
    Beaucoup ont déjà quitté Saint-Cloud pour retourner dans
leurs provinces, et certains ont dû prendre

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