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Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial

Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial

Titel: Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fernand Clerget
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Verlaine, Lepelletier fouille leur passé [38] , retrouve des correspondances ; n’est-ce pas la meilleure réponse aux fausses légendes, que de publier, vingt ans après, ces pages intimes, franches, bonnes ? « La lettre ci-dessous, écrit le chroniqueur, porte le cachet bleu, à l’encre grasse, de la maison de Sûreté de Bruxelles, les Petits Carmes  ; les autres, le timbre de la prison de Mons (Hainaut) :
     
    « Bruxelles, dimanche, 28 septembre 1873.
     
    « Mon cher ami, dès que cette lettre te parviendra, veuille me répondre poste par poste. Tu comprendras combien j’y tiens. Depuis trois semaines, je n’ai plus de visites, ma mère étant partie, et j’ai reçu seulement une lettre d’elle depuis ce temps. Dans l’état de tristesse et d’anxiété où je la sais, seule comme elle est, et avec le caractère inquiet qu’elle a, le moindre retard dans une lettre me rend inquiet à mon tour. Je me forge mille idées noires qui augmentent encore le chagrin de ma déplorable situation.
     
    « Parle-moi un peu de Paris, des camarades, et si tu as des nouvelles de la rue Nicolet [39] . Des journaux de Paris auraient-ils par hasard parlé de cette malheureuse affaire ? « Victor Hugo est-il à Paris ? Veuille m’envoyer son adresse [40] .
     
    « Je ne sais quand je dois sortir d’ici. Ça peut être d’un moment à l’autre. C’est pourquoi écris-moi bien vite…
     
    « Je prie Laure [41] d’aller le plus souvent possible voir ma mère, et je la remercie de l’intérêt qu’elle prend à sa situation et à la mienne.
     
    « Mon ennui, surtout depuis une quinzaine, est atroce, et ma santé n’est pas fameuse. J’ai parfois des maux de tête épouvantables, et je suis plus nerveux que jamais. Ne dis rien de cela à ma mère, je t’en prie, et si tu la vois avant que je lui aie écrit, dis-lui que tu as reçu de mes nouvelles et que ma santé est bonne.
     
    « Amitiés à Blémont et Valade. Je te serre la main cordialement.
     
    « PAUL VERLAINE. »
     
    « J’ai cité cette lettre parce qu’elle montre bien les sentiments de résignation du détenu, et surtout parce qu’elle témoigne de son profond amour pour sa mère (sentiment qui fut contesté). Voici une autre lettre de la prison des Carmes, même époque :
     
    « Dimanche,
     
    « … Je ne lui garde (à sa femme) aucune amertume. Dieu m’est témoin qu’encore aujourd’hui [42] je lui pardonnerais tout et lui ferais une vie heureuse.
     
    « Je dois, me semble-t-il, s’ils ont l’indignité de persister encore dans leur infâme action [43] , résister jusqu’au bout, mais pour cela j’ai besoin d’être là. Obtiendrai-je un renvoi à un an ? Ma mère, d’ailleurs, te parlera.
     
    « Ton vieux infortuné camarade et ami.
     
    « P. V. »
     
    « Transféré à Mons, il écrivait d’une écriture toute modifiée, penchante, descendante, signes graphologiques certains de l’accablement et de la dépression :
     
    « Mons, 22 novembre 1873.
     
    « Le courage qui m’avait soutenu tous les derniers temps à Bruxelles fait mine de m’abandonner, maintenant que j’en ai plus besoin que jamais. Il faut espérer que ce n’est qu’un moment à subir. J’espère une remise de peine. On est très bon pour moi et je suis aussi bien que possible. Mais ma pauvre tête est si vide, si retentissante encore, pour ainsi dire, de tous les chagrins et malheurs de ces derniers temps, que je n’ai pu encore acquérir cette espèce de somnolence qui me semble être l’ ultimum solatium [44] du prisonnier.
     
    « Aussi ai-je besoin qu’on se souvienne un peu de moi de l’autre côté du mur . Je compte donc bien fermement sur une prompte réponse. Fais tes lettres les plus pleines possible, écris lisiblement à cause du greffe. À bientôt donc, n’est-ce pas ? Je te serai plus reconnaissant que tu ne peux le penser de cette marque d’amitié.
     
    « Ton dévoué,
     
    « P. Verlaine. »
     
    Six mois se passent : Lepelletier répond à certains griefs de Henry Fouquier [45] par ces renseignements précis [46]  :
     
    « Je n’ai pas besoin de dire que Verlaine adorait son fils et que ce fut un chagrin perpétuel, une hantise cruelle pour lui, le souvenir de cet enfant… Le poète a été violent pour son ex-femme dans les Invectives , dites-vous. Voici ce qu’il me disait, au moment même où il écrivait ces vers irrités, très malade, s’attendant à mourir : « Si la chose

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