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Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial

Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial

Titel: Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fernand Clerget
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recueillait aussi complètement la suprême discipline des silences, et dans les cercles les moins silencieux, c’est que chacun pressentait en lui l’unique refuge où toutes querelles, où toutes discussions pouvaient se confondre, s’anéantir ; c’est que, plus que tout autre, il savait oublier les opinions trop intransigeantes, les termes de métier qui soulèvent des passions ; – un mot de lui, un sourire furtif, un léger clin d’œil, le plus petit mouvement ironique, suffisait à calmer les effervescences. Puis, s’il parlait, ce n’étaient que paroles de vie : des noms d’objets ou d’idées usuels, des phrases courtes, vivement accrochées l’une à l’autre, suspendues et reprises au hasard d’un mot entendu, mais toujours suivant une logique : le simple et brave retour aux menus faits de l’existence, aux banalités quotidiennes. Il ne soutint peut-être jamais, ailleurs qu’en ses livres (si peu même), un principe littéraire. Très dissemblable en cela de la majorité des littérateurs, il pouvait donc faire oublier qu’il en était un, et obtenir ainsi des sympathies strictement humaines .
     
    Sa réforme poétique lui a suscité des adversaires, dont le talent est assez connu pour que leurs objections, leurs condamnations parfois, pèsent lourdement sur l’œuvre du poète et la relèguent, comme on l’a dit, au second rang. Mais l’homme tolérant, l’homme quotidien qu’il était, n’a rencontré que des amis. Et depuis sa mort, il est, semble-t-il, quelqu’un de familier, tel un esprit veillant autour de nous, à qui l’on ose avouer ses rêves les plus audacieux, comme ses plus obscures faiblesses : on croirait que son regard est encore là, et son sourire, tous deux indulgents sur toutes choses.
     
    Or, la sympathie non littéraire, mais humaine , c’est cela . C’est de se sentir paisible, consolé, sauvé, parce que tel être est là qui vous comprend. Et il n’est pas besoin d’avoir connu Verlaine pour ressentir cette bonne confiance : il n’est aucun de nous qui ne soit disposé, sans s’expliquer d’ailleurs ce mystère, à lui parler familièrement, s’il était là . – Cet usage de la parole, dégagé de toutes contraintes, même les plus légères, n’est-il pas la plus grande satisfaction que nous désirons, et qui nous est rarement donnée ? Et quelqu’un existe-t-il, en qui une telle satisfaction n’engendre pas, envers celui qui la procure , la reconnaissance spontanée : premier signe de l’ amitié .
     
     
    Au chapitre de l’amitié, deux noms surtout viennent à la mémoire : Edmond Lepelletier, F. A. Cazals.
     
    Lepelletier, c’est celui des belles journées d’audace et de foi. Alors, la vingtième année bouillonne de tous les enthousiasmes. Entre eux, rien du jeune sceptique dont la fidélité cesse au premier coude de la route ; guêtrés et sanglés pour un long voyage, qu’ils crurent même infini, ils partagèrent joies et fatigues, luttes et triomphes. Puis, les tourmentes de la fin du second Empire, comme pour tant d’autres, aidèrent la séparation ; les études du collège furent interrompues ; des soucis et des violences les atteignirent : Verlaine connut la tristesse des premiers ouvrages dédaignés ou raillés, Lepelletier passa un mois à la prison politique de Sainte-Pélagie. Pendant la Guerre, Verlaine garda les remparts, tandis que Lepelletier, âgé de vingt-six ans, faisait le coup de feu, dans les batailles de la banlieue, convulsions de l’héroïque résistance de Paris. Enfin, la littérature prit l’un ; l’autre, le journalisme. Mais le souvenir restait fidèle. La mort même n’a pu les séparer : au lendemain des funérailles, Lepelletier, défendant le poète [37] , croit le voir, l’entendre : « Je sais que s’il était encore là, vivant, frémissant, entendant mes paroles, lisant cet article, à la pensée de son père, le probe officier, de sa mère, vertueuse bourgeoise, il me dirait : « Merci, tu m’as loué comme il me plaît de l’être ! » Et Lepelletier lui crie ce douloureux adieu : « Mon pauvre cher camarade, martyr du cœur et vaincu de la vie, tu as payé bien cher la gloire, et ton exemple est fait pour désespérer ! »
     
    Quelques semaines plus tard, ne pouvant, malgré les incidents bruyants de l’actualité, oublier celui qui n’était plus, et voulant interrompre les récits douteux que l’on faisait sur l’époque des prisons de

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