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Perceval Le Gallois

Perceval Le Gallois

Titel: Perceval Le Gallois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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transporter, couché dans une bière au creux de son bouclier, jusqu’à son manoir, où les deux femmes l’accompagnèrent. Sitôt dans sa demeure, le comte commanda de déposer la bière, telle quelle, sur une table, dans un angle de la salle et, chacun s’étant défait de ses vêtements de voyage, il pria Énide de se dépouiller des siens et d’en prendre d’autres, mais elle refusa. « Dame, insista-t-il, au nom de Dieu, je t’en prie, ne sois pas si triste. – On ne saurait guère, répondit-elle, raisonner quand le malheur est là. » Le comte reprit : « Je ferai en sorte que tu n’aies pas lieu d’être triste, quoi qu’il advienne de ce chevalier, qu’il meure ou qu’il vive. Ne t’inquiète pas : j’ai un bon comté, et je le mettrai en ta possession si tu veux de moi. Sois joyeuse et heureuse car, désormais, tu ne manqueras plus de rien. – Je ne serai ni joyeuse ni heureuse, Dieu m’est témoin, dit Énide, aussi longtemps que je respirerai. »
    Quand fut venue l’heure du repas, le comte insista néanmoins pour qu’elle prît place à ses côtés. « Je n’en ferai rien », dit-elle d’un air têtu. Alors, le comte Limouris se mit en colère : « Tu viendras malgré toi ! s’écria-t-il, et il l’entraîna de force vers la table en lui ordonnant de manger. – Je ne mangerai pas, s’obstina-t-elle, j’en atteste Dieu, à moins que ne mange celui qui est dans la bière, là-bas ! – Voilà un serment que tu ne pourras tenir, car celui qui s’y trouve est pour ainsi dire mort et ne pourra jamais plus manger. Te laisseras-tu donc mourir de faim ? – Pourquoi non ? » répliqua-t-elle avec insolence. Alors, il lui tendit une coupe pleine. « Bois ceci, et tes sentiments se modifieront. – Honte sur moi ! répondit-elle, si je bois qu’il n’ait bu lui-même ! – En vérité, s’exclama le comte, me voici aussi peu avancé en me montrant aimable que si j’étais désagréable ! » Et, de rage, il lui donna un violent soufflet sur la joue.
    Énide poussa un cri perçant. Elle éprouvait une douleur d’autant plus grande à la pensée que personne, Érec vivant, n’aurait eu l’audace de la souffleter de la sorte. Or, ce cri tira Érec de pâmoison. Il se redressa, vit Énide aux prises avec le comte et, saisissant son épée qui gisait à ses côtés dans son bouclier, il bondit vers la table et déchargea au comte un coup si furieux sur le haut du crâne qu’il le lui fendit en deux et que sa lame entama la table. Toute l’assistance s’enfuit en hurlant d’effroi, et ce moins par crainte du chevalier vivant que pour avoir vu le mort se lever afin de frapper. Là-dessus, Érec jeta les yeux sur Énide, et une vive douleur le pénétra : elle avait perdu ses couleurs et son air habituel. « Femme, dit-il, sais-tu où se trouvent nos chevaux ? – Le tien, oui ; l’autre, je l’ignore. Le tien est dans la maison voisine. »
    Une fois là, Érec sella son cheval, le fit sortir puis l’enfourcha et, enlevant Énide de terre, la plaça entre lui et l’arçon de devant. Sur ce, il éperonna sa monture, et le cheval, d’un bond, franchit la porte et se retrouva sur la route. Ils galopèrent ainsi très vite jusqu’aux approches de la nuit où Érec ralentit l’allure. Or, en se retournant, il aperçut un cavalier qui s’efforçait de les rattraper. « Je vais te déposer de l’autre côté de la haie, dit-il à Énide, car quelqu’un vient derrière nous ! » Au même moment, le cavalier fondit sur lui, la lance baissée. Ce que voyant, Énide s’écria : « Seigneur, aurais-tu gloire et honneur à tuer un homme blessé ? » Le cavalier s’arrêta net. « Dieu tout-puissant ! s’écria-t-il, est-ce Érec que je vois ? – Assurément, répondit Érec. Qui es-tu toi-même ? – Ne me reconnais-tu pas ? Je suis Gwiffret le Petit. J’accourais à ton aide, pour avoir entendu dire que tu éprouvais de grandes difficultés. Ah ! que n’as-tu suivi mes conseils ! Sur ma foi, tu te serais épargné ces malheurs ! »
    Il mit pied à terre et examina longuement Érec. « Je vais, dit-il, me permettre de te donner un autre conseil. Dans le triste état où je te vois, je ne réponds pas de ta vie si tu ne te fais soigner. Écoute donc : tu vas m’accompagner. Non loin d’ici se trouve le manoir d’une de mes sœurs qui a pour époux un brave chevalier. Je t’y ferai panser par les meilleurs médecins qui soient. » Érec

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