Piège pour Catherine
sa voix traînante. Est-ce là tout votre accueil, Dame Catherine ? Voire époux nous en servit un meilleur voici peu.
— Votre venue, ce soir, montre qu'il a eu tort. Allez- vous-en : Montsalvy n'ouvre point ses portes quand son seigneur n'y est pas !
Vous le savez d'ailleurs parfaitement, sinon vous ne seriez pas ici, n'est-ce pas ?
Un éclair de joie maligne brilla sous les sourcils barbelés de Bérault.
— Bien sûr, nous le savons. Il n'y a plus, derrière vos murs, que des moines, des vieillards et des enfants. Il vous faut des hommes et je suis venu vous offrir ma protection.
Autour de Catherine, un grondement se leva. Le peuple de Montsalvy qui avait suivi jusque-là, attentif et silencieux, l'échange de paroles commençait à montrer les dents. La voix goguenarde d'une commère lança :
— Regarde-toi au miroir, Bérault ! Te prends-tu pour un jouvenceau ? Des hommes, on en a encore, des meilleurs et des plus vigoureux que toi ! Et ta protection...
La destination finale de ladite protection, dans l'esprit et dans la bouche de Gauberte, arracha un sourire à Catherine et un rugissement de joie à son entourage qui éclata en quolibets et en injures variées que l'abbé essaya vainement de faire taire. Les gens de Montsalvy détestaient encore plus le loup du Gévaudan qu'ils n'en avaient peur et la tête coupée, dont le sang coulait encore sur les jambes du cheval de Gonnet, exaspérait leur fureur. Les poings se tendaient tandis que déjà des pierres volaient vers les quatre cavaliers immobiles. L'une d'elles, lancée d'une main sûre, atteignit le heaume de Jehan qui cracha une insulte.
Le vieux Bérault se dressa sur ses étriers, soudain fou de colère, et lâcha les raisons véritables de son invasion.
J'entrerai quand même, bande de cochons braillards, et je vous égorgerai comme les porcs que vous êtes. Je veux cette ville et je l'aurai comme je t'aurai aussi, toi, la putain bourguignonne ! Quand cet âne prétentieux d'Arnaud reviendra de ses galopades militaires, il trouvera sa porte close, sa ville sous mon fouet et sa femme dans mon lit ! À moins que je n'en aie plus envie quand tous mes hommes lui seront passés dessus ! Tu as demandé ce que je venais chercher, Catherine ? Je vais te-le dire : c'est ton or d'abord et toi ensuite !
D'un geste, la dame de Montsalvy imposa silence à la foule qui se pressait autour d'elle et qui grondait. Les insultes du pillard ne l'atteignaient pas.
— Mon or, dis-tu ? Quel or ?
— Allons, la belle, ne fais pas l'innocente ! Ce n'était pas très prudent cette grande fête que vous avez donnée pour le baptême de ta fille Isabelle. Bien sûr, recevoir la vieille reine et le connétable, c'était superbe mais, en même temps, ça nous a permis, à nous autres, de constater la richesse de ton château et de ce qu'il y a dedans ! Ah !
C'est un beau spectacle ces grandes tapisseries, ces draps de soie, ces grands dressoirs bien pourvus de vaisselles d'or et d'argent ! Ma foi, j'en veux ma part.
— De quel droit ?
— Du droit du plus fort, pardi ! Si tu connaissais ma tour d'Apchier, tu verrais que j'ai grand besoin de renouveler mon mobilier.
Mais c'est surtout un lit qu'il me faut, un grand lit de plume, bien douillet et bien pourvu de chaudes couvertures avec une belle fille blonde dedans pour me tenir chaud. Quant à mes hommes, ils se contenteront, en attendant leur tour, des moins racornies de ces volailles piaillantes qui t'entourent...
Les gens de Montsalvy en avaient assez entendu. Leur patience était à bout. Avant d'avoir pu ouvrir la bouche, Catherine se vit soudain encadrée de deux archers dont les doigts tendaient déjà les cordes. Les flèches allaient siffler pour laver dans le sang du bandit l'insulte et la menace, mais avant même qu'elles ne fussent libérées, l'abbé Bernard, rapide comme l'éclair, avait bondi sur le créneau les bras en croix. Il avait compris qu'il valait mieux éviter, autant qu'il serait possible, l'irréparable et que la mort du vieux Bérault ne résoudrait rien.
Ne tirez pas ! cria-t-il. Ce n'est pas encore l'instant de frapper !
Gardez votre sang-froid car vous le luire perdre est tout ce que cherche cet homme ! Quant à toi, Bérault d'Apchier, cesse d'offenser Dieu et les hommes ! Même en Gévaudan on sait que cette terre est terre d'Église en même temps que fief comtal. C'est aussi une «
sauveté »... un lieu d'asile. Quiconque l'attaque attaque Dieu lui-même qui en est vrai
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