Potion pour une veuve
viens avec vous. Je dois jeter un coup d’œil aux bêtes puis remplacer Miquel, qui somnole au lieu de veiller sur les bagages.
— Dans ce cas, dit Oliver, vous allez m’aider à porter mes effets personnels. Il y a là-bas un petit tertre rocheux où je peux les dissimuler et être certain de les retrouver dans une semaine ou deux. Je les récupérerai à notre retour.
Le soleil commençait à prendre une teinte rougeâtre quand Oliver et le sergent réveillèrent les autres. Les gardes grommelèrent et se rassemblèrent assez rapidement sous le regard sévère de leur sergent. Yusuf eut du mal à s’arracher à un profond sommeil ; il finit par s’asseoir et à regarder alentour, l’œil vitreux. Sur le conseil des autres, il alla au torrent s’asperger la tête d’eau froide. Malgré toute cette agitation, Gil ne bougea pas.
— Debout, mon gars, lui dit le sergent. On s’en va.
Gil eut un mouvement de recul, comme s’il voulait se cacher sous terre.
— Réveillez-le ! lança le sergent à Oliver. C’est votre problème. Il faut que je surveille le chargement, sinon ils vont encore tout faire porter à cette pauvre Golondrina. Elle va finir par boiter.
Oliver se pencha au-dessus de l’enfant.
— Gil ! dit-il d’une voix assez forte. Allez, debout !
Pas la moindre réaction. Il cria plus fort et, comme le garçon ne réagissait toujours pas, posa la main sur son épaule et le secoua.
— Allez, lève-toi, mon gars, ou on te laisse là !
Il le secoua encore, et l’enfant se redressa brusquement, terrorisé.
Il cligna des yeux et regarda autour de lui comme s’il ne savait où il se trouvait.
— Señor, finit-il par dire. Pardonnez-moi. Je me suis endormi.
— Tu peux le dire, oui. Va te laver dans le torrent, ça te réveillera. Nous partons dans un instant.
Le sergent, Miquel et Yusuf s’étaient tous débarrassés de leurs chemises et se lavaient à la hâte. Oliver remarqua avec un certain amusement que son petit protégé était soit très timide, soit très nerveux, car il alla se cacher derrière un buisson pour se déshabiller.
Yusuf s’avança vers lui.
— Allez, je sais ce que tu peux ressentir, murmura-t-il. Mais ne t’en fais pas pour les gardes. Ils racontent des bêtises, mais ils ne t’embêteront pas. Ils dépensent toute leur solde chez les femmes. Je les ai vus.
Nulle réponse ne sortit des broussailles. Yusuf haussa les épaules et entreprit de remettre ses habits. Quand le garçon apparut, il avait de toute évidence changé d’avis à propos de la baignade. Il n’avait ôté que sa culotte et ses souliers déchirés. Il attendit que les autres fussent sortis, puis s’avança pieds nus dans le torrent, s’empressa de laver son visage et ses bras dans l’eau froide, et revint en courant vers la rive.
Le chargement des bêtes se passait bien. Le sergent regardait d’un air pensif les plats et les cruchons.
— Laisse-les là, dit-il à Miquel. La paysanne qui les trouvera en fera bon usage, je n’en doute pas.
— Mais ils appartiennent à maîtresse Judith, dit Yusuf qui imaginait la réaction de Naomi devant la disparition d’une partie de sa vaisselle.
— Je lui en rachèterai à Barcelone, dit le sergent. Après tout, les mules ne porteront à leur retour qu’un nombre insignifiant de choses destinées au palais.
— Nous pouvons monter en selle, sergent ? demanda Miquel. Ou faudra-t-il marcher ?
— Nous allons répartir le poids et monter. Où mettrons-nous le petit gars ? dit-il à Oliver.
— Il peut venir avec moi, dit Yusuf. Il n’a pas l’air de peser très lourd.
Oliver tendit la main, saisit Gil par la taille et le souleva doucement de terre. Mais l’enfant poussa un cri étranglé et se mit à trembler.
— Par tous les saints, mon garçon, lui dit Oliver, calme-toi. À moins que quelqu’un ne t’ait caressé les côtes. Si c’est le cas, pardonne-moi. Je vais y jeter un coup d’œil.
— Non, non, j’ai été surpris, c’est tout. Excusez-moi.
— Ce n’est pas la peine de t’excuser. Il ne pèse pratiquement rien, sergent, dit Oliver. J’ai une autre idée. J’ai caché une partie de mes affaires. Mon cheval portera le reste, et Gil montera sur Neta. La jument de Yusuf prendra quelques-uns des bagages des mules.
Le sergent se tourna vers le pré. Le cheval d’Oliver paissait paisiblement avec les autres bêtes : il était assez fort pour porter un homme en armure légère et ne
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