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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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incartades ? S'il n'avait été aussi sot, j'aurais pensé à Simon, qui me menait généralement chez la jeune femme en question. Mais ce n'était pas possible et je n'ai jamais su comment Jeanne fut au courant. Le jour même, trois portefaix vinrent chercher ses malles.
    Voyez comme les grands desseins tiennent à peu de chose lorsqu'ils dépendent d'une femme. Alors qu'elle n'avait jamais hésité à se laisser brocanter de droite et de gauche, Jeanne me quittait car elle estimait que je lui étais déloyal. Elle, si soumise à ma loi, fit valoir des droits d'épouse qui se croyait remplacée. Je signale au passage que si une honnête femme a du mérite de se garder à son seul mari, une putain plus encore car ses charmes ont un prix et sa fidélité lui coûte de l'argent. Elle retourna chez sa brave mère. Anne Rançon avait du jugement et lui fit la morale, mais rien ne valut. Elle était piquée dans son orgueil, ou dans son amour, peut-être, je ne l'ai jamais bien su. À moins qu'elle n'ait eu l'espoir secret de mener sa carrière toute seule. Jeanne avait du caractère et avec ce coup d'éclat, l'occasion était belle de s'affranchir de ma tutelle.
    Je fus très inquiet mais je ne montrai rien 18 . En ce genre de crise, l'indifférence est le meilleur des remèdes. Je le dis pour le lecteur attentif à mes conseils car se traîner aux pieds d'une maîtresse en colère ne l'engage généralement qu'à vous piétiner un peu plus. Je vaquai donc à mes occupations sans rien changer à mes habitudes, les meilleures comme les pires. Au bout de quelques semaines de ce régime, Jeanne ne donnait toujours aucun signe de vouloir revenir chez moi. J'appris qu'elle s'était même essayée à sortir au théâtre en compagnie d'un galant, un obscur conseiller au parlement, me rapportèrent mes espions. Car vous pensez bien qu'il me tenait à cœur de savoir avec qui elle frayait. Elle alla aussi chez la Brissault, mais n'étant pas dans les petits papiers de cette digne maquerelle que l'on surnommait la Présidente, elle n'y fit pas de bonne levée. Il m'arriva aussi de la croiser une ou deux fois ailleurs, sans qu'elle ne manifestât de gêne ni de pudeur à s'afficher avec d'autres gentilshommes. Je restai sur ma ligne de conduite, bien qu'il me faille vous avouer que je n'avais aucune idée de la manière de la reconquérir.
    Deux mois passèrent ainsi sans plus de nouvelles de Jeanne qu'une visite d'Anne Rançon, qui s'inquiétait de la franche diminution des subsides qu'elle recevait de sa fille. Elle me dépeignit les médiocres rencontres de cette dernière, regrettant les belles heures passées où, disait-elle, mon entregent ouvrait les meilleures fréquentations à Jeanne. Désormais, elle devait se contenter de quelques petits marquis, quand ce n'était pas des roturiers à peine enrichis qui profitaient de l'aubaine. Jeanne savait se donner mais pas se vendre : il lui fallait un tiers pour faire le courtier. Et il ne faudrait pas attendre longtemps pour qu'une maquerelle lui mette le grappin, s'inquiétait sa brave mère. Je répondis qu'il m'était difficile d'intervenir, attendu que Jeanne ne souhaitait plus me voir. Anne Rançon ne s'en consolait pas et me promit qu'elle tenterait de gagner sa fille à ma cause si elle en avait l'occasion. Nous nous quittâmes bons amis. Une semaine plus tard, elle m'envoyait un billet me priant de venir le lendemain soir chez elle pour une affaire urgente. J'en conclus qu'il devait être question de Jeanne et j'allai au rendez-vous. Je la trouvai effectivement au logis de sa mère. Elle avait une mine affreuse. Anne Rançon nous laissa seuls.
    — Madame, l'air de la liberté n'a semble-t-il pas que des avantages, entamai-je sans précaution.
    — Que voulez-vous dire ? demanda Jeanne, sur la défensive.
    — Vous êtes moins belle qu'il y a deux mois, c'est tout – j'exagérai mais j'avais décidé de ne pas l'épargner.
    — Vous êtes bien cruel, monsieur.
    — Autant qu'il me plaira puisque nous ne sommes plus rien.
    — Cela ne vous donne pas tous les droits.
    — Ni vous celui de demander ma charité.
    — Je ne vous demande rien du tout.
    — Alors que fais-je là ?
    — C'est ma mère qui vous a fait venir.
    — Mais c'est vous que je trouve au logis.
    — J'habite ici.
    — Pas tout le temps, de ce que l'on me dit.
    — Il m'arrive de découcher, c'est vrai. Comme vous…
    — Encore cette amertume. L'aigreur ne vous va pas au teint, madame. Vous méritez

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