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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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mieux.
    Un silence se fit après cette première passe d'armes. Je la laissai reprendre la parole.
    — Puisque vous êtes là, donnez-moi au moins de vos nouvelles, dit-elle, un peu radoucie.
    — Je me porte on ne peut mieux, comme vous pouvez le voir.
    Un nouveau silence s'installa.
    — Vous n'êtes donc pas affecté de vous passer de ma compagnie ? me demanda tout à coup Jeanne.
    Elle ne savait pas jouer la rancune. Encore moins l'indifférence. Et sa mère semblait avoir bien travaillé.
    — Pas plus qu'il ne me semble que la mienne vous manque, rétorquai-je d'un air de défi.
    — Détrompez-vous, mon ami, dit-elle doucement.
    — Je ne comprends pas, madame. Il y a peu, j'avais perdu votre estime, il me semble.
    — Vous aviez pris une liberté qu'il m'aurait été agréable de vous donner si vous me l'aviez demandé. Cela m'a contrariée.
    — Et aujourd'hui ?
    — Cela me peine toujours, mais…
    — Mais ?
    — Mais je ne goûte pas longtemps le chagrin, vous le savez.
    — Et ?
    — Je veux bien vous pardonner, dit-elle dans un léger soupir.
    — Pour quelle faute ? répondis-je, en poussant mon avantage.
    — Eh bien… pour m'avoir laissée partir, glissa-t-elle en ouvrant bien grands ses yeux.
    Son culot me tira un sourire.
    — N'êtes-vous point liée à un autre parti ? lui demandai-je.
    — À part l'amour, je ne me connais pas de maître. Je ne dis pas que quelques-uns n'aient essayé ces temps-ci, mais en vain.
    — Voudrez-vous alors revenir dans ma maison ?
    — Sans doute.
    — Vous montrer plus docile ?
    — Vous ai-je jamais déçu sur ce point ?
    — Non pas, mais je parlais de me laisser la bride.
    — Désormais, dites-moi vos écarts, je ne vous cacherai pas les miens.
    — Fort bien. Pour le reste, nos accords demeurent donc les mêmes.
    — Oui. Et maintenant fermons cette parenthèse, mon ami, conclut-elle avant de sceller nos retrouvailles à sa manière.
    Sa mère eut la courtoisie de ne pas rentrer tôt ce soir-là. Le lendemain, j'envoyai Simon chercher les malles de Jeanne. Je n'étais pas dupe sur le fond des raisons de son retour, mais Noël arriva comme si rien n'était advenu. Ou presque. Car je dois dire qu'à partir de cette époque notre lune de miel s'acheva pour faire place à un ménage où l'affection céda le pas à l'intérêt. Mais il en va souvent ainsi des unions fructueuses – dommage si je choque les jeunes époux.
    17 Le comte a bâti de toutes pièces cette fable sur la présumée maladie honteuse de Sarah Goudar. Cela suffit à décourager Lebel d'y aller voir plus avant. Le couple Goudar quitta la France pour Naples.
    18 Les rapports de police de Louis Marais sont d'un autre ton. Il explique que Jeanne quitta le comte car elle ne voulait plus dépendre de lui dans son commerce. Elle se serait installée rue Montmartre, non loin de chez sa mère, pour œuvrer en toute indépendance. Les causes de son départ se situent sûrement à mi-chemin entre l'histoire racontée par Jean et le rapport de Marais.

 
    Chapitre XXV
    L e début de l'année 1766 n'augura pas d'un progrès de la langueur du roi. Au contraire. Le vingt décembre précédent, son fils, le Dauphin, avait succombé de la variole après une longue agonie. Étonnamment, l'annonce de la disparition de ce prince discret plongea la France dans le plus grand désarroi. Le peuple accourut à ses obsèques, et chacun disait que c'était une calamité de perdre un homme si plein de bonté. Je le connus seulement par ce qu'on m'en a rapporté, mais je puis dire qu'il se signalait surtout par sa grande piété. Inspirateur du parti des dévots, il fut aussi chaste que son père était libertin. Il s'opposa souvent au roi, autant qu'à ses favorites, et nourrissait pour Choiseul une sincère aversion, ce qui ne suffisait pas à en faire un allié de notre cause car il se destinait à être un souverain vertueux. La variole en décida autrement. Il affronta sa fin avec beaucoup de fermeté, laissant une veuve qui le suivrait au tombeau deux ans plus tard. Mais nous n'en sommes pas encore là.
    Dans ma maison, Jeanne s'installa dans le rôle qu'elle occupait précédemment. Je recevais plusieurs soirs par semaine autour d'un souper et de parties de cartes qui tenaient la compagnie jusqu'à l'aube. Souvent, Jeanne s'éclipsait avec un invité ou quittait même le foyer pour quelques jours avant de revenir avec le produit de son affermage. Comme convenu, nous le partagions en deux parts inégales,

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