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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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à elle puis de se retirer, juste pour ses beaux yeux ?
    — Ses yeux sont un argument, vous le savez, cher duc, toutefois j'admets qu'en cette circonstance ils ne suffiront pas. L'affaire nécessite un gentilhomme de bonne souche mais que le besoin rendra plus docile.
    — Gentilhomme, pauvre, soumis et de confiance : cela fait beaucoup. Votre plan est bien hasardeux.
    — Si je vous disais que j'ai sous la main un prétendant ?
    — Vous connaissez un homme qui donnerait son nom à Jeanne puis rentrerait tranquillement près de sa cheminée ?
    — Oui. Avec de quoi le dédommager pour sa peine, je sais quelqu'un qui pourrait tenir le rôle.
    — Alors, cher comte, dépêchez-vous de le convaincre : l'amant de la mariée risque de s'impatienter.

 
    Chapitre XXXI
    L a route dura une éternité. Depuis quinze années que je ne l'avais empruntée, elle ne s'était pas améliorée. Elle me sembla même par endroits bien pire encore. C'est là le signe d'un pays malade. À partir de Cahors, les ornières ne laissèrent aucun répit : votre serviteur et les autres occupants de la voiture de poste furent ballottés comme des pantins, et accompagnés tout du long par le lugubre grincement des ressorts. On dut d'ailleurs en changer à Montauban tant la nôtre avait souffert. Enfin, neuf jours après mon départ de Paris, j'arrivais à Toulouse sous un soleil de plomb. Sans attendre, je louai un cabriolet et un cocher pour me rendre à Lévignac. Nous étions au début du mois d'août. Simon m'accompagnait.
    Mon lecteur se demandera sûrement quelle mouche m'avait piqué pour revenir chez moi au moment où les affaires de Jeanne nécessitaient tout mon zèle. Je répondrai aux moins perspicaces que le plus court chemin pour elle jusqu'à Versailles passait par Lévignac. Oui, vous avez bien lu. Car je n'avais pas accompli cent quatre-vingts lieues afin de prendre des nouvelles de ma famille. La solution à mon problème y résidait. Au sens propre.
    Évidemment, nos retrouvailles s'annonçaient pour le moins difficiles. Depuis mon dernier courrier trois années plus tôt, je n'avais donné aucune autre nouvelle, comme je m'y étais pourtant engagé. Toutefois, je savais que mon fils avait, dans ses lettres, fait un peu la chronique de ma vie – ce qu'il en savait. Bref, quand j'arrivai à la nuit tombée au début du long chemin menant à notre maison, j'avoue que mon cœur se serra. Un flot de souvenirs m'envahit. Mon père, ma mère m'apparurent puis quelques bribes de mon enfance et enfin les visages de mon épouse, de mon frère et de mes sœurs. J'eus un instant la tentation de faire demi-tour. Mais il était maintenant trop tard pour reculer : j'avais trop d'intérêt dans ce voyage. Notre vieille demeure se découpait dans le couchant et le bruit de mon équipage attira au dehors deux silhouettes. En franchissant la dernière petite grille qui me séparait de la cour de la maison, je reconnus mes sœurs, Chon et Bischi. La première se tenait toute courbée, prenant appui sur une canne tandis que la seconde n'avait pas trop changé, de ce que je pus distinguer. Le cocher me déposa près d'elles. Je lui commandai d'aller ranger la voiture un peu plus loin. Simon descendit également. Derrière mes sœurs, sur le pas de la porte, une forme épaisse apparut puis s'avança un peu. C'était Guillaume, dont les deux petites jambes paraissaient soutenir avec peine un corps ventru. Nous restâmes là quelques secondes sans dire un mot, mon frère et mes sœurs écarquillant les yeux pour se convaincre qu'il ne s'agissait pas d'un rêve : ce gentilhomme magnifique, en gracieux équipage et accompagné d'un gaillard de valet était bien leur aîné.
    Que croyez-vous qu'il se passa ? Dans vos familles, chers lecteurs, une si longue absence se serait payée d'effusions comme on en lit dans les beaux romans. Chez d'autres, la rancune aurait pris le pas et ce retour aurait été salué de quelques coups de feu, ou au moins d'une vive algarade. Eh bien, figurez-vous que chez les du Barry de Lévignac, rien de tout cela ne se produisit. La bile, le dégoût et la rancœur restèrent bien sagement au fond de la gorge de chacun. Même mon épouse, qui se montra en dernier, ne manifesta nul mouvement d'humeur. Tout le monde était usé.
    On m'invita du bout des lèvres à entrer. Ma maison, comme ses occupants, dénonçait tous les signes de la ruine : son intérieur était moisi et l'endroit me parut plus étroit que dans mon

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