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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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était sorti – forcément –, et la maîtresse de maison se montra une hôtesse prévenante. Tout en conversant aimablement, elle fit la visite de son logis à ma protégée, comme font souvent les femmes entre elles. Au rez-de-chaussée, le ton était cordial et tout emprunt d'une ingénuité qui ne trompe personne. Au premier étage, on parla un peu plus vivement de soi et de la vie qui passe. Au second, les deux s'avouèrent leur point commun, et un coquet salon de musique abrita leur débat deux bonnes heures. Elles y interprétèrent une partition qui ravit Mme de V*. Fanny était une virtuose : on se quitta en se promettant de se revoir bien vite.
    Entre-temps, ma protégée me raconta l'aventure : je lui donnai quelques petits conseils afin de tirer le meilleur profit de cette idylle. Car vous vous doutez bien que tout cela avait un prix. Mme de V* n'étant pas libre de ses mouvements à cause de son jaloux, elle ne pouvait dispenser ouvertement ses bienfaits à Fanny. Fort heureusement, elle était la fille d'un riche marchand – M. de V* l'avait épousée un peu pour cela –, et elle disposait d'une cassette personnelle dont son mari ignorait le détail. Elle lui servit à gratifier Fanny de petits cadeaux dont je dois dire qu'ils étaient largement à la hauteur de ceux qu'un gentilhomme concède à sa maîtresse. Je récupérai en particulier dans l'affaire deux jolies broches en diamants d'un montant d'au moins cinq mille livres. Une peccadille par rapport à ce que j'espérai de Jeanne, mais suffisamment pour me payer une nouvelle œuvre de M. Boucher. Je fis une bonne affaire car ce grand peintre mourut moins d'une année plus tard.
    Pour en finir avec cette charmante anecdote, sachez que Mme de V* est devenue depuis la cliente du lupanar de Mme Paris, où elle se distingue encore par sa générosité. Quant à son mari, il surveille toujours les hommes qui approchent sa femme de trop près.
     
    Mais retournons maintenant à Compiègne. Là-bas, Jeanne commençait à gagner ses premières batailles. Le roi organisa quelques soupers où elle brilla à sa manière, humblement, sans grossièreté, et seulement préoccupée d'être agréable à tous. À la Cour, ce style sonne presque toujours faux. Chez Jeanne, il étonna par sa sincérité. Venant d'une favorite, la chose était nouvelle car tout le monde gardait en mémoire le genre de Mme de Pompadour. Peu à peu, les plus réticents se laissèrent séduire. Au début du mois de juillet, un souper rassembla les meilleures familles de la Cour autour de Jeanne et du roi. On s'y amusa beaucoup. Je n'y étais pas, mais M. de Richelieu me le raconta dans le détail. Pourquoi n'y étais-je pas ? Parce que la veille, je venais d'apprendre la mort de ma femme. Et il aurait été inconvenant pour Adolphe, mon fils, que son père ne tînt pas le deuil au moins quelques jours. Eh oui, ma chère épouse venait d'achever sa vie dans la solitude d'un couvent qu'elle avait par avance choisi pour tombeau. C'est une lettre de ma cousine Adélaïde qui m'en informa. Une mauvaise affection de poitrine l'emporta en deux jours.
    Que dire d'elle ? Je ne suis pas le mieux placé pour faire son éloge. Vous savez combien elle compta si peu dans ma vie. Mais pour mon fils, je me devais d'un peu jouer la comédie du veuf, même s'il ne fut pas dupe. En outre, il me restait à l'esprit que la famille de ma femme n'était plus représentée que par son frère, le chevalier de Vernongrèze, célibataire et sans enfants reconnus. Il possédait deux belles propriétés dont mon fils – et par conséquent moi-même – serait l'héritier si, par cas, il venait à disparaître. Pour toutes ces honorables raisons, je décidai d'accompagner Adolphe dans le pénible voyage jusqu'à Lévignac afin de rendre un ultime hommage à mon épouse. Quand on connaît l'état des routes, on sait le sacrifice que cela me coûta. Et puis, je voulais prendre quelques nouvelles de Guillaume, qui menait un train de scandale dans tout Toulouse, m'avait écrit ma cousine.
    Ma femme avait demandé à être inhumée dans le petit cimetière jouxtant le couvent où elle s'était éteinte, près de Lévignac. Nous nous y rendîmes avec mon fils pour assister à une messe en sa mémoire. Cette formalité accomplie, je décidai de rendre visite à mon frère qui ne logeait plus dans notre domaine, mais à Toulouse dans un bel hôtel de la rue de la Pomme, au cœur de cette cité. Plus pansu que jamais, il

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