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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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désagréable de devoir en rabattre, pendant qu'une clique d'opportunistes entendait tirer les marrons à ma place. Pour l'heure, les quatre mille acres de la forêt de Bouconne me dédommageraient un peu de l'avarice de ce bougre de Terray 29 . J'avais depuis longtemps dans mes projets de m'offrir cette terre que je savais d'un excellent rapport. Par ailleurs, puisqu'on se faisait tirer l'oreille pour me payer en bonne monnaie, le titre de comte de l'Isle-Jourdain devait également produire quelques droits à ajouter à mes revenus. Restait maintenant à avertir M. de Richelieu de ce qui se tramait dans notre dos.
    Je le trouvai deux jours plus tard dans son bel hôtel de l'île Saint-Louis, passablement enrhumé, et l'humeur bien sombre, lui aussi. Il rentrait de Versailles où le roi venait d'accorder à M. d'Aiguillon une faveur que le duc guignait depuis longtemps. Ce n'était pas grand-chose, mais suffisamment pour qu'il se confirmât que d'autres nous volaient les bénéfices auxquels nous pouvions prétendre.
    — Nous sommes cocus, mon ami. Et c'est bien la première fois que cela m'ennuie autant, m'avoua le duc d'un ton las, emmitouflé dans une robe de chambre et le bonnet sur la tête.
    — Ne nous décourageons pas, nous avons encore quelques cartes en main.
    — Si peu, mon ami, si peu.
    — Je connais la nature de Jeanne, elle ne pourra nous abandonner.
    — Je souhaite que vous ayez raison. Mais elle est désormais assise à la table des maîtres. Lorsqu'on arrive si haut en venant de si bas, on apprend vite à faire taire son bon cœur.
    — Jeanne est différente, répondis-je sans trop de conviction…
    — Je ne sais pas. Et puis, elle a autour d'elle de zélés admirateurs. De ceux qui savent trousser les compliments. Prenez M. de Maupeou. Il a bien compris le parti qu'il peut tirer de ses assiduités. Le roi ne jure que par lui depuis qu'il vient de mettre au pas les parlements.
    — Ce nabot joue les sauveurs du trône. Quelle imposture !
    — Peut-être, mais en attendant, il se rend tous les jours chez Mme du Barry pour y faire ses petites affaires. Il y voit le roi quand il le souhaite, dit-il en toussotant.
    — Et mes sœurs… Croyez-vous qu'elles m'auraient averti ? J'aurais dû les laisser croupir dans leur masure. Voilà le beau remerciement.
    — Ah, la famille… Regardez mon cousin d'Aiguillon. Il me mange la laine sur le dos. Il est désormais dans les petits papiers du roi : votre protégée les a bien rabibochés. On parle de lui pour le portefeuille des Affaires étrangères. Je vous le dis, nous sommes joués.
    — Ce sont des nains ! Et Terray en premier. Figurez-vous que ce défroqué s'avise de faire le sévère. Il me doit cinq cent mille livres qu'il ne veut pas me payer.
    — À moi, près d'un million…
    — Les ingrats, ils veulent tout pour eux.
    — Eh oui, pendant ce temps, on prépare à grands frais la noce du comte de Provence. Le roi veut qu'elle soit aussi fastueuse que celle du Dauphin, son frère, et a même demandé à Mme du Barry d'en organiser quelques détails.
    — Elle est de la famille, maintenant… soupirai-je.
    — Mieux. Elle a même pris l'habitude de surnommer le roi « La France »…
    — Elle l'a dans sa main. Quelle pitié…
    — Surtout pour nous, regretta le duc en se mouchant bruyamment.
    — Allons, il faut se reprendre. Pour ce qui concerne ces MM. Terray, Maupeou et d'Aiguillon, je ne connais pas de triumvirat qui ne finisse dans un bain de sang.
    — Dieu vous entende.
    — Le diable serait mieux. Pour Jeanne, laissons passer un peu de temps. Et si elle ne revient pas à de meilleures dispositions à notre égard, je sais quelques moyens de lui faire entendre raison.
    — Espérons qu'il ne sera pas trop tard, conclut le duc dans un éternuement.
     
    À la fin du mois de février, je reçus du roi un acte en bonne et due forme qui me concédait le titre de seigneur de la forêt de Bouconne, ainsi que le comté de L'Isle-Jourdain. Jeanne avait tenu parole, mais elle me fit en même temps savoir par un billet qu'elle ne pouvait rien de plus pour l'instant. Je n'avais qu'à m'expliquer avec l'abbé Terray, écrivait-elle. Je me doutais que le bougre m'attendait de pied ferme : je ne lui donnai pas le loisir de m'éconduire car je sus me faire discret jusqu'à l'été. J'employai en particulier mon temps par un beau voyage en Belgique, en Hollande puis en Allemagne. Simon m'accompagna. Je passerai sur la chronique de ce périple. Sachez

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