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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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quelques talents bien vulgaires, de ceux que le voyageur apprécie sur le galetas miteux d'une auberge, au soir de l'étape. Mais tu as bien appris ta leçon et transporté tes exploits dans d'autres couches moins sordides. Pourtant, tu me dois celle que tu es devenue aujourd'hui, comtesse du Barry !
    Jeanne resta comme pétrifiée. Quelques secondes passèrent avant qu'elle ne se retournât, blême. J'ai promis d'être sincère, et je vais vous rapporter ce qu'elle osa me répondre.
    — Monsieur, mes « exploits », comme vous le dites, auront plus fait pour la gloire de votre lignée que les hauts faits d'armes de vos obscurs ancêtres sur tous les champs de bataille de l'histoire. Vous m'avez donné un nom, je l'ai rendu illustre. Nous sommes quittes.
    Quelques-uns apprécieront sûrement la répartie, d'autres jugeront comme moi qu'elle confirmait l'ingratitude dont je lui faisais reproche. Car ne croyez pas un traître mot de ce qu'elle venait de dire. Je connaissais suffisamment les beaux messieurs dont elle se vantait de suivre les conseils, pour comprendre qu'ils entendaient bien me sortir du jeu et rafler la mise. Je faisais le crédit à Jeanne de n'avoir pas tout compris à leurs intrigues. Mais je ne lui pardonnais pas en revanche de s'en faire l'alliée sans réfléchir à l'injustice qu'elle perpétrait à mon égard. Je lui avais trop laissé la bride sur le cou. Elle était désormais de leur monde. Je n'entendais pas pour autant abdiquer mes droits. Jeanne était toujours debout devant la porte de mon cabinet, la figure toute rose de contrariété.
    — Madame, nous sommes parents, vous le savez bien. Et je suis en quelque sorte le beau-frère du roi par la main gauche. Bref, il serait du plus mauvais effet qu'il me prenne l'envie de faire du scandale. J'ai, moi, une excellente mémoire. Et il est des histoires d'amour dont je connais toutes les ficelles.
    — Monsieur, vous me menacez ?
    — Vous me trahissez, je me défends.
    — Vous n'avez rien à gagner à ce jeu-là.
    — Pas plus qu'en continuant à vous être agréable.
    — Je vous ai dit qu'on ne vous voulait pas de mal. Faites juste preuve de tempérance.
    Il était temps de transiger un peu. Je saisis alors un ouvrage sur la géographie du Languedoc que j'ouvris à une page bien précise. Jeanne me regarda interloquée.
    — Vous avez ici un moyen de vous racheter, dis-je en lui montrant le livre.
    — Expliquez-vous.
    — À quelques lieues de Toulouse, entre Lévignac et l'Isle-Jourdain, à Bouconne exactement, se trouve une grande forêt qui appartient à la Couronne. Je la veux, avec le titre de comte de l'Isle-Jourdain en sus.
    — Quelle est cette nouvelle lubie ?
    — Ceci est très sérieux. Puisque les caisses sont vides, faisons un peu de troc.
    — Combien vaut cette terre ?
    — Je ne le sais pas – je le savais très exactement. Et de toute manière, il n'en coûtera rien au roi de me céder quatre mille acres de bois dont il ignore même l'existence.
    Je tendis le livre grand ouvert à Jeanne.
    — Prenez ceci, madame, et montrez-le à qui de droit pour qu'il accède à ma demande. Soyez aussi convaincante que s'il s'agissait des intérêts de vos nouveaux amis…
    — Je ferai de mon mieux, répondit Jeanne, le visage fermé, avant de prendre le livre et de quitter mon cabinet sur ces dernières paroles. Elle ne me salua pas.
    Voilà, vous en savez assez sur ce pénible entretien. Reconnaissez qu'il est déplaisant d'être traité ainsi. Je sais que quelques-uns estimeront ma réaction outrée, et donneront raison à ceux qui fustigeaient l'excès de mes sollicitations. Je ne me battrai pas sur ce point : il est entendu entre nous que je n'ambitionne pas un prix de vertu. Toutefois, je soutiens qu'il y a beaucoup d'hypocrisie à me vouloir honnête là où il n'y avait que corruptions, prévarications, concussions et escroqueries. Eh oui, mes gentils lecteurs, à ce moment de mon récit, même les plus naïfs auront compris qu'un homme comme moi ne peut se hisser sans qu'il y en ait de pires pour le soutenir. Oh, je ne ferai pas le philosophe en prétendant qu'il en fut ainsi de tous les temps. Je n'en sais rien. Mais mon époque est comme cela. D'ailleurs, vous en êtes vous aussi, et à part les lecteurs de mauvaise foi ou les sots, chacun ici sait bien ce qu'il est capable de faire pour arriver à ses fins. Demain sera peut-être d'un autre bois, mais cela m'étonnerait. Bref, ceci pour dire qu'il m'était très

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