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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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les yeux :
    — Ceci ne doit pas sortir d'entre nous : Jeanne va épouser le roi.
    On ne m'impressionne pas facilement, mais là, je dois dire que je fus un peu comme vous à cet instant : stupéfait. Les élèves avaient dépassé le maître. Et dans mon for intérieur, je ne pus m'empêcher d'admirer la manœuvre. Je restai sans voix. Chon en profita : — Le roi est veuf, dit-elle, et il est très soucieux du repos de son âme. Un mariage avec Jeanne, même secret, sera le gage de son salut futur. Nul ne pourra alors trouver à redire à son union, ni ses filles, ni l'Église, ni Dieu.
    — Je vois, vous voulez faire de Mme du Barry une nouvelle Mme de Maintenon – qui avait épousé Louis le Grand sur la fin de son règne. Je dis cela pour les moins informés.
    — En quelque sorte. M. d'Aiguillon et M. de Maupéou y travaillent.
    — Toujours ceux-là…
    — Ils sont de très bon conseil, intervint Bischi.
    — Et le roi, qu'en pense-t-il ?
    — Rien de mal, dit Chon.
    — Rien de bon non plus, j'en suis sûr, ajoutai-je.
    — En cette affaire, il écoute beaucoup ses filles. Et ce sont elles qu'il nous faut convaincre de l'honnêteté de Jeanne. Tu comprends maintenant pourquoi tu dois cesser tes plaisanteries ? Ces affreux pamphlets sont d'un effet déplorable.
    — Tout cela est clair. Pourtant, il me semble que vous oubliez quelque chose, rétorquai-je.
    — Ah ? Quoi donc ? fit Bischi d'un air suffisant.
    — Guillaume, le mari de Jeanne. Vous vous souvenez de lui ? Je ne savais pas qu'on tolérait la bigamie en ce royaume. C'est une heureuse nouvelle…
    — Je te rassure, Jean. Nous n'aurons pas à devenir turcs. M. d'Aiguillon a déjà dépêché un envoyé auprès du pape pour s'entretenir des moyens de casser l'union de notre frère, expliqua Chon.
    — Et sur quel motif ?
    — Tu sais mieux que personne que ce mariage n'a pas été consommé par les époux. C'est une raison valable pour l'annuler.
    — Guillaume est au courant ?
    — Pas encore. Mais il n'aura rien à dire. Ni à regretter, d'ailleurs, car sa docilité en sera grassement rétribuée.
    — Et vous ? Aujourd'hui, vous êtes les belles-sœurs de Jeanne, demain vous ne serez plus rien, si votre plan réussit.
    — Ne te fais aucun souci pour nous, mon frère. Jeanne est très attachée à nous.
    — Sa Majesté aussi, fanfaronna Bischi.
    — C'est stupide, dis-je en haussant les épaules. Tout cela me semble bien hasardeux. Le roi n'est pas un homme à oser ce genre de résolution. Il craint trop ce qu'on pourrait en dire.
    — Il se rendra à l'autel si on ne lui fait pas peur avec de méchantes rumeurs, me répliqua Bischi fielleusement.
    — Décidément, vous tenez à me bâillonner.
    — Oui, beaucoup, dit Chon.
    Les deux folles croyaient fermement dans leur chimère. C'était peut-être le moment d'en profiter. Depuis quelque temps, je méditais un projet qui me paierait pour longtemps de mes efforts. Je me lançai : — Vous savez mes chères sœurs qu'en ce monde l'on n'a rien pour rien. Et je vous garantis qu'il n'y aura pas de plus sage que moi si on m'obtient la charge de directeur général des Bâtiments du roi.
    — Mais c'est M. de Marigny qui l'occupe, riposta Bischi.
    — Oui, le frère de la Pompadour. Et elle n'est plus là, me semble-t-il. Bref, pourquoi ne la donnerait-on pas au futur ex-beau-frère de l'épouse du roi ?
    C'est alambiqué, je l'admets.
    — Tu demandes beaucoup, Jean, répondit Chon.
    — Moins que vous, mes sœurs. Je vous ai donné mon prix. Et pour vous démontrer ma bonne volonté, je m'engage dès aujourd'hui à faire taire cet honorable talent de plume que vous me reprochez. En attendant d'avoir de vos bonnes nouvelles, bien sûr.
    Les deux pies n'en demandèrent pas plus. Trop contentes d'avoir déjà obtenu une trêve, elles s'esquivèrent comme elles étaient venues et filèrent dans l'instant à Versailles faire le rapport de leurs bons offices.
     
    Accordez-moi, cher lecteur, que l'idée de ces noces était une vue de l'esprit, voire de la pure folie. Il ne fallait toutefois pas écarter l'hypothèse qu'elle pût réussir : des projets plus déraisonnables encore ont connu une heureuse issue. Et puis, c'est le lot des vrais joueurs que de parier sur le résultat le moins probable. Dans ce cas, le (re)mariage de Jeanne pouvait me valoir un fameux bénéfice.

 
    Chapitre XL
    A u début de l'année 1772, je restai trois semaines cloué au lit par une vilaine grippe qui accabla des

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