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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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dizaines de milliers de personnes dans Paris. Les plus faibles n'y résistaient pas, et les croque-morts firent de belles affaires cet hiver-là. Bizarrement, l'épidémie se doubla d'un mal dont les chevaux furent particulièrement les victimes. Dans mon écurie, un seul réchappa. Il en mourait un peu partout, si bien que des furieux imaginèrent qu'ils étaient à l'origine de la grippe. Certains médecins conseillèrent même de les abattre tous pour éviter qu'ils ne contaminassent les humains. Heureusement, la maladie donna bientôt des signes de reflux qui empêchèrent qu'on débutât ce radical traitement.
    Pour ma part, je fus très bien soigné par deux de mes pensionnaires, Flora et Myriam, dont le dévouement compensa un peu le complet abandon de ma famille. Pas une fois, mes sœurs, Jeanne, ou encore mon fils, ne vinrent de Versailles pour s'inquiéter de ma santé. Voilà comment on me remerciait de mes bons soins pour eux. La seule nouvelle que je reçus fut une lettre de Chon qui m'avertit que le roi ne souhaitait pas m'accorder la charge de M. de Marigny. Cela n'aida pas ma convalescence. Elle ajoutait cependant qu'une somme de trois cent mille livres avait été mise à ma disposition chez M. Beaujon. On voulait, j'imagine, que je me tinsse tranquille, car les petites affaires de mes sœurs et de M. d'Aiguillon avançaient à pas lents.
    Je l'avais dit, le roi n'était pas homme à prendre de décisions importantes sans tergiverser. Il redoutait les impasses, et le mariage en était assurément une – en ce cas présent, mais aussi dans beaucoup d'autres. Jamais il ne céderait à cette tentation s'il sentait qu'il dût avoir à en rendre compte. Mais la chose ne découragea pas mes imitateurs. Au mois de mars, mes sœurs firent même venir Guillaume à Paris pour lui expliquer ce qu'on attendait de lui. Elles furent convaincantes puisque ce gros benêt accepta la séparation de corps, qui fut prononcée au début du mois d'avril 1772. Ces pies défaisaient mon œuvre. En échange, il reçut la jouissance de la terre de Roquelaure, pour quatre-vingts mille livres de rente, ainsi que le grade de colonel et enfin la croix de Saint-Louis. On le sermonna aussi afin qu'il rentrât dans ses terres pour ne pas créer de scandale en attendant que le mariage fût cassé par Rome, lui expliquèrent mes sœurs.
    Toutefois, il ne les craignait pas comme il me redoutait : une fois le contrat signé, il resta à Paris pour faire le viveur. Il me rendit un jour visite, pas peu fier de son cordon rouge et des gains qu'il avait obtenus. Je l'en félicitai également et comme c'est un sot, il me crut sincère. J'en profitai pour l'encourager à rester à Paris, lui indiquant même quelques adresses dans lesquelles j'étais certain qu'il se plairait. Pourquoi agissais-je ainsi ? Pour nuire à mes sœurs et aux nouveaux amis de Jeanne, auront à juste titre conclu les lecteurs perspicaces. En gardant Guillaume sous la main, je conservais un moyen de pression sur ces apprentis briseurs de mariage.
     
    Pendant ce temps, Mme du Barry était déjà presque une reine. Et, à l'exception notable des filles du roi et de la Dauphine, les dernières rebelles à son règne lui avaient fait allégeance. Au moins en façade. Désormais, Jeanne figurait aux côtés du roi à chacune de ses apparitions, et lors des cérémonies, une place privilégiée lui était attribuée. Ses appartements ne désemplissaient pas de courtisans et de ministres, quand ce n'étaient pas des ambassadeurs qui ne manquaient jamais de venir lui présenter leurs hommages. Levée toujours très tard – elle tenait cela un peu de moi autant que de son ancien métier –, la moitié de ses journées se passait à recevoir une cohorte de marchands, modistes, joailliers et autres perruquiers dont elle était la manne. Ensuite, les courtisans se pressaient, l'un avec un placet pour le roi, l'autre une injustice à faire réparer. Souvent, Sa Majesté venait la voir sans façon, jouant le bon époux qui vient prendre des nouvelles au logis. Il y restait parfois toute la journée en plus du soir, et recevait là les ministres comme les grands seigneurs de la Cour, Zamor toujours dans ses jambes. Il prit d'ailleurs un jour à Jeanne la tocade de faire nommer ce négrillon gouverneur de Louveciennes, avec sept cents livres de rente. Vous le voyez, Mme du Barry régnait sur son monde.
    Toutefois, il y avait aussi à Versailles des personnes qui prisaient moins

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