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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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belle tenue au feu et m'invitèrent à leur rendre visite un de ces soirs pour une partie, tandis que Mme de Marchainville eut la délicate attention de me retenir à souper avec d'autres convives dans un petit salon. Marthe m'y suivit, quoique j'eusse l'impression que cela déplut à la maîtresse de maison. Mais que peut-on contre une femme accompagnant un homme qui vient d'abandonner deux mille livres sans ciller ? Jusque tard dans la nuit, je fus très agréable à la compagnie et l'on me pria de revenir bien vite. Ce que j'avais perdu me sembla finalement un placement intéressant pour un homme en quête de bonne fortune. En la matière, Marthe s'autorisa à visiter mon appartement, mais interpréta médiocrement le rôle de la consolatrice, bien qu'il m'apparût qu'elle ne campait pas ce personnage pour la première fois. Elle récita et s'esquiva au point du jour sans me donner envie de rejouer la scène.
     
    Dans les jours suivants, je menai un train identique, vaquant du café au spectacle, avant d'invariablement terminer la soirée à l'hôtel de Mme de Marchainville, où je fus vite traité en familier. Dix jours de ce régime amaigrirent ma bourse en même temps qu'ils gonflèrent le nombre de ceux qui se découvraient mes amis. Au nombre de ceux-là, un certain M. de Chaisemartin n'était pas le moins appliqué à me divertir et à me prodiguer force conseils dont je le remerciai en lui prêtant quelques centaines de louis. Un peu plus âgé que moi, toujours habillé au goût du jour, il était le benjamin d'une excellente famille qui s'était lassée de ses prodigalités et lui avait coupé les vivres. Pour subsister dans cette société, il faisait bénéficier de son entregent une clientèle choisie, parmi laquelle j'occupais désormais le premier rang, à en juger par l'insistance qu'il mettait à m'introduire auprès de ses nombreuses relations. Doué pour les rencontres, il se signalait également par de solides dispositions dans l'art de se faire détester à cause de la franche répartie avec laquelle il traitait les sots et les importuns. Cette manie lui avait valu plusieurs affaires dont il s'était toujours sorti avec honneur, car il était au moins aussi courageux qu'effronté. Escorté de ce bienveillant cicérone, je visitai beaucoup de lieux où je rencontrai beaucoup de monde. Nous devinrent bientôt un peu plus intimes, suffisamment pour qu'il m'emmenât un soir dans une maison de sa connaissance où nous trouverions, m'avoua-t-il, un excellent dérivatif à la table de jeu.
    L'endroit était situé dans l'île Saint-Louis, dans une venelle contiguë à la Seine, juste à côté d'un élégant hôtel bâti par le prince de Ligne – ce lieu existe encore et pour ceux qui le connaissent, je n'ai pas besoin d'en préciser le nom ; pour les autres, ma description suffira à le localiser. On y accédait à pied en longeant le fleuve puis en remontant de petits escaliers qui débouchaient sur une ruelle où se nichaient quelques porches étroits. Nous nous arrêtâmes devant l'un deux et mon guide frappa distinctement trois coups fermes, suivis de deux plus discrets. Un homme en habit nous ouvrit. Sans un mot, il nous convia respectueusement à gravir l'escalier qui ornait un élégant vestibule. Un valet de chambre prit son relais à l'étage afin de nous escorter dans un petit couloir qui s'ouvrait sur un vaste salon sobrement éclairé par quelques chandeliers. Là, une demi-douzaine de jeunes créatures bavardaient, assises dans des fauteuils ou des canapés, avec pour seules parures des déshabillés dont la transparence ne laissait rien ignorer de leur anatomie. Notre irruption fit baisser d'un ton les conversations de nos hôtesses, pendant que derrière les rideaux de trois alcôves on devinait un autre genre de conciliabule. Le valet nous proposa de nous asseoir ; un autre visiblement au fait des goûts de mon compagnon vint nous servir deux verres de Riesling dont il était grand amateur. Au même moment, une femme plus âgée et plus habillée que les autres nous aborda. Elle me confirma que M. de Chaisemartin était fin connaisseur d'un lieu dont vous aurez compris qu'il s'agissait d'un bordel. Cette petite maison, puisque c'est ainsi qu'on nomme pudiquement ces endroits, abritait de jeunes beautés, évidemment peu farouches, éduquées aux choses de l'amour et dotées d'un vif appétit pour le libertinage. La maîtresse de maison nous conseilla deux de ces pensionnaires,

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