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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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affectionnée, Louise d'A*. »
    Quelques secondes passèrent qui me parurent d'une longueur éternelle. La marquise s'amusa de ma gêne, pendant que sa nièce considérait ma personne d'un œil inquisiteur. Mme du Deffand mit toutefois fin au supplice en m'invitant à raconter les circonstances de ma rencontre avec la baronne, si cela se pouvait, ajouta-t-elle en souriant amicalement.
    Je me lançai :
    — Madame la marquise, je dois vous dire que, si mon amitié pour la baronne d'A* est récente, elle est toutefois de celles qui honorent un gentilhomme. Monsieur le baron d'A*, avec qui je me flatte d'entretenir également une amicale complicité, s'en félicite d'ailleurs tout autant que son épouse. À cet endroit, notre rencontre doit être envisagée comme le fruit d'une parfaite communauté de goût et d'esprit, de celle qui bâtit les amitiés sincères et durables.
    — Monsieur le comte, connaissant les goûts de la baronne, je ne doute pas qu'ils me plairont également s'il vient à naître entre nous de cette amicale complicité dont vous nous parlez. Et je ne doute pas non plus que d'autres soient sûrement intéressées de partager de ces hommages dont la qualité a tant satisfait Mme la baronne, répondit la marquise en prenant le bras de sa nièce.
    Mlle de Lespinasse rougit distinctement. Mme du Deffand poursuivit en se rappelant quelques souvenirs attachés à la personne de Mme d'A*. Elle nous confia qu'à ses grandes heures la baronne s'était fait connaître par un caractère espiègle qui dérida souvent les plus grands noms du royaume. Elle s'autorisait mille folies, comme le matin où elle reçut sur sa chaise percée un galant qu'elle voulait décourager de ses assiduités. Malheureusement, le prétendant en fut émoustillé et ne voulut plus la revoir qu'en pareille position. Toute la Cour s'en esclaffa, jusqu'au roi qui interrogea un jour la baronne pour lui demander des nouvelles du galant. Mme d'A* répondit ingénument qu'elle n'en savait rien puisqu'elle n'était pas allée à la chaise depuis trois jours. Sa Majesté en rit aux larmes. Nous aussi, rétrospectivement, et je confirmai que la baronne conservait encore quelques traits de cet entrain, malgré la vilaine retraite où la confinait son hussard de mari.
    — Je suis heureuse d'apprendre que la baronne prend toujours un grand soin à ne pas démentir sa réputation, apprécia-t-elle. Le colonel, son époux, n'a à mon sens qu'une science imparfaite de ses talents. Bien employés, ils sont de ceux qui garantissent à un mari des amitiés utiles. Mais le bonhomme a une fortune et n'a pas besoin d'être poussé. Il préfère son régiment et ses chevaux. Dommage. Car si le baron sait évaluer une monture, la baronne a un coup d'œil des plus justes pour apprécier le cavalier.
    — Elle m'a en effet paru experte en de nombreux domaines, bien que je n'aie eu le temps d'en établir l'inventaire, ajoutai-je, un peu cavalièrement.
    La marquise ne s'en formalisa pas. L'évocation du passé l'avait rendue d'humeur joyeuse : elle me demanda quels étaient mes projets. Je lui affirmai que je n'en avais d'autres que de me divertir afin de rattraper le temps perdu dans ma campagne. Elle s'étonna de ma venue si tardive à Paris, mais je lui contai avec beaucoup de verve une belle histoire où je mélangeai un peu de vrai à beaucoup de faux. Elle l'apprécia et me rassura en me disant qu'en temps que gentilhomme il n'était jamais trop tard pour se frotter à cette ville, la maturité ne nuisant pas à ceux qui aspiraient à de grandes carrières. On voyait beaucoup de jeunes fils de bonne famille, élevés dans le sérail, mais gâtés trop tôt par les misères de la Cour, regrettait-elle. Mlle de Lespinasse acquiesça. La marquise reprit :
    — Versailles est un désert où l'on rencontre bien plus de mirages que chez les Barbaresques, savez-vous. Se montrer quelquefois au lever de Sa Majesté ne dessert pas, tout comme arpenter les galeries pour courtiser un ministre ou deux. Mais c'est ailleurs qu'il est utile de se faire connaître. Les temps ont changé depuis Louis le Grand. Louis XV affectionne peu Versailles, il s'y ennuie. Si l'on veut lui être agréable, c'est à Compiègne, à Fontainebleau, à Trianon, à Crécy ou à Choisy qu'il faut se montrer. Mais c'est toujours à Paris qu'on doit se distraire.
    — Je suis ici depuis peu, mais je m'en sens déjà un citoyen, confirmai-je.
    — Cette ville aimante, c'est vrai. Vous vous

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