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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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auxquelles nous en ajoutâmes deux autres pour ne pas manquer, si besoin était. M. de Chaisemartin fut ravi de ce que je l'invitai à me laisser assumer la dépense supplémentaire. Le quatuor nous exécuta avec entrain sa partition dans un petit boudoir jouxtant le grand salon, tandis que deux soubrettes allaient et venaient sans timidité pour dresser le souper auquel nous ne fîmes honneur que très tard. Au point du jour, je rentrai chez moi, avec la promesse de M. de Chaisemartin de découvrir grâce à lui, un nouveau soir, une autre de ses bonnes adresses.
    Paris était alors aussi bien garni de ces lieux que de nos jours. On en pensera ce qu'on voudra, mais ils ont l'avantage d'éviter aux libertins les embarras de la galanterie. Faire la cour m'a toujours ennuyé, d'autant qu'il y a une vraie hypocrisie, je l'affirme, à poursuivre de faux hommages une dame dont on veut obtenir l'essentiel, et qui n'en est pas dupe. J'estime les putains pour ce qu'elles sont et les femmes du monde également, mais les premières ont parfois les vertus des secondes et les secondes souvent les vices des premières. C'est une philosophie qui n'engage que moi mais qui me garantit généralement des surprises et des peines de cœur. Enfin, je dirais à ceux qui s'étouffent à la lecture de ma médiocre prose que, selon les livres du lieutenant général de police, Paris compte pas moins de dix mille femmes vivant de leurs atouts, sans compter celles qui ne sont pas recensées. Une seule question, ou plutôt deux : leurs clients sont-ils tous des libertins comme moi ? Si ce n'est pas le cas : qui sont les autres ? À bon entendeur.
     
    Après près d'un mois à l'hôtel de Bretagne, il me parut opportun de m'installer plus confortablement. Sur les conseils toujours avisés de M. de Chaisemartin, je pris donc un beau logement dans une demeure du faubourg Saint-Honoré. En même temps, je recrutai une cuisinière et son époux, tous deux issus du même filon que mon valet, puis une soubrette dont l'aspect amusa souvent mes invités, attendu qu'elle était positivement naine. Cette bizarrerie me séduisit, je ne sais dire pourquoi. Enfin, pour vous faire le compte complet de mon installation, je consacrai cinq mille livres à l'ameublement de mes appartements, qui, ajoutées aux dix mille déjà dépensées depuis mon arrivée à Paris, ramenaient ma fortune à un peu plus de cent mille livres. Suffisamment pour continuer à me faire un nom en invitant mes désormais nombreuses connaissances à des soupers que M. de Chaisemartin arrêta malheureusement d'honorer. Un mot de trop l'avait conduit à poursuivre son débat avec un importun dans les fossés des Tuileries, où son éloquence avait cette fois eu le dessous. Sa famille lui fit des funérailles très respectables, mais peu coûteuses – il mourut avec cinquante mille livres de dettes, dont les cent louis que je lui avais prêtés. Dans le bordel de l'île Saint-Louis, on le pleura sincèrement.

 
    Chapitre VII
    M aintenant un peu déniaisé quant aux mœurs parisiennes, je songeais à présenter mes hommages à la puissante marquise du Deffand, pour laquelle la baronne d'A*, vous vous en souvenez, m'avait donné un billet d'introduction. Car si durant ce mois passé à Paris, j'avais acquis des relations notoires avec un certain monde, les beaux salons m'étaient toujours étrangers. Mes fréquentations de l'hôtel de Marchainville, ou les soupers chez deux ou trois princes et ducs ne m'avaient pas rendu indispensable à leur intimité. Il me fallait assurément les conseils et la protection de quelques grands personnages pour espérer frayer assidûment dans d'autres milieux. Mes brèves amours toulousaines avec Mme d'A* allaient s'avérer utiles. Au fait, puisque nous évoquons Toulouse, vous vous demandez sûrement ce qu'il est advenu de ma famille après mon départ. Je vais vous éclairer.
     
    Les deux missives que j'avais envoyées à Lévignac pour alerter de ma subite maladie eurent pleinement l'effet escompté. Mon frère et mon épouse s'inquiétèrent, mais pas pour les mêmes raisons. L'une avait peur que je périsse, l'autre craignait que je survive. Mais les deux décidèrent de se tenir au domaine, en attendant l'issue qu'ils redoutaient ou espéraient. Comme vous le savez, elle ne pouvait que se faire attendre. Et au bout de près de deux semaines sans nouvelles, Guillaume prit le chemin de Toulouse. Ma cousine, qui me fut encore d'une précieuse

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