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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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gentilshommes tout aussi nobles que moi avaient parfois recours à cet expédient, leurs archives personnelles ayant malheureusement disparu pour de très bonnes raisons. La chose fut réalisée en quelques jours, avec toutefois un peu de retard, un duc dont je tairais le nom ayant eu recours urgemment aux bons soins de cette officine pour justifier l'obtention d'une rente royale.
    Mes preuves de noblesse établies, M. de Saint-Rémy m'invita à me rendre avec lui chez le chevalier d'Hozier, dont l'éminente famille entérina l'ancienneté des filiations depuis un siècle. Il donnait audience à Paris dans une maison datant au moins de François I er . L'escalier en était tout vermoulu et nous l'empruntâmes avec beaucoup de précaution. J'y fus reçu au mieux. Les pièces que je produisais satisfirent le chevalier et nous bavardâmes fort agréablement, en particulier de la branche irlandaise des du Barry qu'il me garantit être de même souche que ma famille. Nous convînmes d'ailleurs de nous revoir pour en attester la parenté. Selon lui, la chose était d'importance car elle pouvait me permettre de me faire admettre auprès de la cour d'Angleterre. Je lui promis que nous ne tarderions pas à rediscuter de ce sujet, bien qu'à cette époque je n'eusse nul projet de traverser la Manche, de même que j'affichais peu de goût pour l'anglomanie de mes contemporains. Comme on le verra plus tard, cette proposition me serait toutefois fort utile.
    Une fois ces formalités accomplies, M. de Saint-Rémy remit à quinze jours ma première apparition à Versailles. Il jugea en effet plus opportun de combiner mes premiers pas à la Cour avec le retour du roi de son séjour de Compiègne à l'occasion de la grande fête donnée pour la naissance de son petit-fils, le duc d'Aquitaine. L'attention était délicate et je l'invitai le soir même à un excellent dîner chez moi : le millésime des bouteilles le combla, quoique positivement plus vert que mon lignage.

 
    Chapitre VIII
    V oilà maintenant près de deux mois que je circulais dans quelques-uns des lieux plus ou moins fameux de Paris. Si mon nom n'y était pas notoirement connu, il n'appartenait déjà plus au cortège des anonymes. Deux ou trois belles parties de pharaon à l'hôtel de Marchainville et particulièrement une à l'hôtel de Soissons où je perdis cinq mille livres en moins de temps qu'il n'en faut pour vider une bouteille de champagne, m'avaient gravé dans quelques esprits.
    Chez Mme du Deffand, je tenais assidûment le rôle qui m'était confié, en même temps que je liais des amitiés avec quelques-uns des esprits d'élite de notre siècle. Et après – ou avant – avoir donné la leçon à Mlle de Lespinasse, je me nourrissais de conversations passionnantes avec MM. d'Alembert, de Fontenelle, Helvetius ou Louis Michel van Loo. Ce dernier m'initia d'ailleurs à la peinture, art dans lequel je prétends avoir acquis depuis un goût reconnu.
    Mais je dois avouer que, dans l'intervalle de ces honnêtes distractions, je réservais l'essentiel de mon temps à la fréquentation d'endroits du ton de celui que le regretté M. de Chaisemartin m'avait indiqué. Là, mon blason était déjà une recommandation. Dans plus de dix petites maisons, j'avais mes entrées où l'on connaissait mes goûts et mes manies. Je m'y rendais en toute discrétion, usant parfois dans les repaires les plus infâmes du pseudonyme de comte de Boutez, que je m'étais inventé pour la circonstance 5 . Il est vrai, j'attachais alors un certain soin à ne pas donner trop de publicité à mes libertinages. Et quand mon domestique, pensant m'être agréable, se permit un jour de me confier qu'il n'avait pas visité autant de lieux de débauche avec son précédent maître, je lui rétorquai vertement qu'il me déplaisait de le voir en faire ainsi l'inventaire, et je le congédiai sur-le-champ.
    Les valets sont souvent de la race des bavards : ce que cette canaille avait vu en deux mois lui suffisait déjà à faire la chronique pour une année. Il me sembla plus prudent d'en engager un autre, moins grand de taille, et moins loquace. Mais cette engeance a des complicités dans toutes les maisons. Chez les laquais de Paris, on se passa très vite le mot, si bien que ma réputation ne gagna rien au change, au contraire.
    *
    Le jour de ma première apparition à la Cour arriva bien vite. Pour l'occasion, je m'étais fait tailler un habit des plus remarquables et j'avais loué un très

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