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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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mission.
    En attendant, je commandai à Simon de se rendre chez Marguerite pour l'informer de ma prochaine visite : mon absence allait sans nul doute susciter quelques désagréments à son commerce, mais je voulais toutefois la rassurer avant de partir. Comme je m'y attendais, elle accueillit la nouvelle avec mauvaise humeur. Elle me fit de nombreuses remontrances sur ma légèreté quant au respect de nos accords, et se permit même de sous-entendre que le rôle que je désertais n'attendrait peut-être pas mon retour avant d'être à nouveau pourvu. Je tentai de la raisonner en lui expliquant qu'il m'était impossible de refuser la proposition du prince, et qu'elle devait au contraire se féliciter de cette opportunité car elle était de nature à renforcer nos appuis dans la bonne société. Et puis, lui expliquai-je, je comptais bien mettre à profit mon séjour outre-Rhin afin de recruter quelques nouvelles perles dignes de sa belle maison. Ce dernier argument sembla atténuer sa colère, mais elle me prévint encore une fois qu'il n'y avait aucun étalon, aussi fringuant soit-il, qui ne se remplaçât. Je passai sur la comparaison et pris congé en lui assurant que je lui donnerais promptement de mes nouvelles.
     
    La date de mon départ ne tarda plus. Lors d'un nouvel entretien, le prince me remit des lettres d'introduction auprès du duc de Wurtemberg, ainsi qu'une dizaine de laissez-passer en français et en allemand, destinés à faciliter mon trajet jusqu'à Ludwigsburg.
    La moitié d'entre eux était rédigée sous un nom d'emprunt : j'allais devoir traverser des territoires dont la fidélité à la couronne de France laissait parfois à désirer et il pouvait y avoir nécessité à dissimuler mon identité. Pour mon voyage et mon installation au Wurtemberg, on m'alloua la somme de vingt mille livres en lettre de change. Si besoin, je disposais de deux autres lettres en blanc dont je pouvais tirer jusqu'à deux cent mille livres, sur la contre-signature de notre ambassadeur à Ludwigsburg. Par ailleurs, j'avais décidé que Simon m'accompagnerait, et j'obtins également pour lui des laissez-passer, bien que son identité ne pût être prouvée. Pour l'occasion, je lui fis établir des papiers au patronyme de Cérès, du nom d'une terre de ma famille, à côté de Toulouse. Le bougre ne comprit d'abord rien et se plaignit que je le débaptisais. Il me fallut argumenter de quelques coups de canne pour qu'il saisît la raison de ce subterfuge. Il le comprit d'ailleurs si bien qu'il prit plus tard l'habitude de se faire appeler ainsi par ses médiocres relations. Cet usage est répandu dans nos campagnes où le nom du maître est souvent usurpé par ses paysans.
    À ce propos, j'ai récemment appris qu'une famille Barry ou Barri loge près de nos terres de Lévignac. Il n'est pas utile de vous préciser que ces gens n'ont aucun lien avec ma lignée, si ce n'est qu'en plus de chaparder le grain de mes ancêtres, ils ont maraudé leur patronyme. C'est ainsi que l'on se fait un nom chez les misérables.

 
    Chapitre XIV
    J e quittai mon hôtel de la rue des Petits-Carreaux le cinq mai 1757 au matin, l'esprit tranquille, M. de Saint-Rémy m'ayant promis qu'il viendrait régulièrement dans ma maison pour s'assurer que mes gens n'en prendraient pas trop à leur aise pendant mon absence. Il tint parole avec zèle puisqu'il s'installa tout bonnement chez moi dix jours après mon départ, au motif qu'il soupçonnait mes domestiques de mauvaises intentions à l'égard des millésimes de ma cave, justifia-t-il plus tard. Ses bonnes intentions me coûtèrent une double centaine de grands crus pour prix de sa garde rapprochée. Je passerai sur les péripéties du voyage qui me conduisit jusqu'en Allemagne. Reims et Metz en furent les principales étapes, et à part une belle partie de pharaon dans la première ville et un excellent bordel dans la seconde, rien ne mérita qu'on s'en souvienne. Mes laissez-passer firent merveille et j'arrivai sans encombre d'abord à Stuttgart, où je passai une nuit avant de louer un cabriolet le lendemain pour me rendre à la cour de Charles-Eugène.
    Le duc résidait à Ludwigsburg, petite ville située à quelques kilomètres au nord de Stuttgart. Le grand-oncle de Charles-Eugène y avait fait bâtir un palais qu'il voulut rival de Versailles. D'un goût charmant, je dois dire qu'il m'a plu et qu'à bien des égards il égale effectivement la splendeur du palais de Louis le Grand,

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